vendredi 23 novembre 2012

Quelques pensées, vol.2

Quelques extraits de pensées:

Ses lèvres m'obsèdent. Je m'en fous, je ne veux que les effleurer du bout des doigts, les sentir, les explorer pour en percer le mystère, sans considération pour leur propriétaire. Sa bouche ondule selon ses paroles, libère une voix lointaine et inaudible, découvre l'extrémité d'une dent puis la recouvre, attise mon désir. Je devine sa langue, je ne regarde que ses lèvres sèches et tout de même sensuelles.
Je ne percerai pas leur mystère sans me pencher sur la personne en entier. Ark, j'aurais dû m'en tenir aux lèvres.

Le décolleté se doit d'être invitant. S'il ne fait qu'amplifier l'apparence des signes de vieillesse, il devient triste.

- Ça va?
- Pas pire.
... Pas pire? En toute honnêteté, qu'est-ce que cette réponse peut bien vouloir dire? En soi, elle révèle une base négative, voire double négative car elle note l'absence d'un sentiment négatif. Donc «pas pire», ça ne peut pas être «moyen», «mal», «correct», «neutre», «je ne veux pas en parler», «je pète le feu».
La prochaine fois qu'on vous donne cela comme réponse, essayez ceci:
- Ça va?
- Pas pire. Toi?
- Je ne suis pas un ananas.

N'importe quelle nouvelle chanson naît maintenant avec sa panoplie de remix. Avant de vous empresser de n'écouter que les remix, demandez-vous s'ils ajoutent vraiment quelque chose de profondément nécessaire à la chanson. Souvent, on la dénature, l'allonge et la recouvre de boum boum. Le message passe-t-il mieux ainsi?

- Comment faites-vous pour être si mince?
- Et vous, comment faites-vous pour être si belle?
J'avais tant envie de répondre cela à une dame complexée. Comment en est-on venus à faire croire à des personnes splendides qu'elles sont laides parce qu'elles ont des courbes?

Parfois, je me mets à fixer mon divan et je me dis que... En fait je ne me dis rien, parfois fixer dans le vide fait du bien et ça ne cache pas toujours des remous de pensée. Il faut apprécier le silence et lorsqu'on ne l'obtient pas, mieux vaut se le créer mentalement.

En réunion, chaque information se voit appuyée d'une à dix feuilles de papier non recyclé et qui ne le sera pas par la suite. À chaque fois, je repars avec au minimum une centaine de pages inutiles, le coeur gros.
Cette semaine, en réunion, j'ai pensé distribuer mon point de vue sur le respect de l'environnement gravé sur du styromousse, juste pour ironiser. J'ai beaucoup ri intérieurement, mais je ne pense pas que mes collègues auraient compris. J'inviterai un arbre comme témoin à la place.
À ce moment-là, je vois vraiment le monde de travers.

samedi 17 novembre 2012

Le pouvoir des trois

Je nous revois tous les trois tout sourire, enfin pas vraiment parce que nous nous épuisons à être à part du reste, à se conforter dans notre personnage de groupe, notre unique façon d'être si nécessaire à notre bien-paraître, à cette désirabilité distante enviée par certains, crainte par d'autres, inutile au fond.
Je nous vois encore au centre de la grande pièce, point convergeant de tous les regards de la soirée. Deux têtes blondes reflétant la lumière tamisée du soir, une flamme entre les deux pour incendier l'imaginaire, pour embraser le désir de tous. Lorsque je paraphrase «trois têtes valent mieux qu'une», je dérive vers l'effet de meute, vers la mathématique complexe de nos complexes d'attention et de nos stratégies pour l'attirer.
Je ne nous vois jamais vraiment, je nous visualise plutôt d'après le mouvement environnant. Ma tête se remplit, se remémore les hommes aux yeux vissés à une bouche ouverte sur le monde, des garçons obnubilés  par un regard inaccessible et alternant entre les chansonniers et ses deux acolytes, des filles malades de jalousie au point de se planter devant nous pour se dandiner, se pavaner, se mettre en valeur par notre absence des champs de vision.
Tous les trois, je nous sais improbables. Je nous veux intemporels, inimitables. Je nous veux encore et encore, pour toujours emportés dans mon délire, exponentiellement désirables aux yeux de tous, inscrits dans les souvenirs des passants et nourris par l'attention qu'on nous porte.

En y repensant bien, à ce moment-là, je vois le monde de travers.

jeudi 1 novembre 2012

Absence

Peut-être la lune atténue-t-elle les marées de mon cerveau. Peut-être la vie se surcharge et me dépouille de mes temps libres. Reste qu'une telle éternité sans écrire ici ne s'excuse d'aucune façon.
Ne croyez pas que j'aie arrêté l'écriture. Mon manuscrit et mes tapuscrits ont émergé de mes boîtes. J'ai passé des semaines à me relire, des semaines à subir la torture de l'autocritique et des bévues stylistiques. Mon roman, celui dont je parle depuis des années, celui mariant la psychologie et la littérature et mon côté pas trop sain d'esprit, mon bébé de quelques centaines de pages couvertes des mêmes situations remâchées, je recrée mon bébé une nouvelle fois, la bonne je l'espère, celle qui ne me fera pas rougir de honte à la relecture, celle où ma pensée sera plus claire que dans ma tête, celle où ma voix sera intacte, où j'aurai mis tout ce dont je dispose.
J'y pense et je m'emporte. Je m'empêtre dans mes idées pour mieux trébucher en paroles. Ce roman ne verra peut-être jamais le jour, deviendra un best-seller ou un flop monumental. Ce projet me confirmera que je peux persévérer.

Cette semaine, je m'intègre dans un nouveau milieu après avoir obtenu une promotion. Je côtoie des dames d'âge respectable encore plus qu'avant et le contraste m'émeut presque, je les vois vieilles ou cramponnées à leur jeunesse et leurs idéaux, je les découvre dans leurs faiblesses, leurs forces incroyables et leurs vies éclatées, puis je me regarde avoir l'air de dix-sept ans et agir comme quarante, je me vois devenir autre, ne devenir personne en fait et j'ai peur, si peur de me perdre alors que le changement me stimule, que je vois l'opportunité de grandir enfin vers le haut, vers le mieux.

Ces derniers temps, mes rêves me hantent. Je dois les conquérir. Un changement en entraîne souvent bien d'autres. Dans le cas de mon nouveau défi, j'ai l'impression de stagner et de m'éloigner de moi, de mes buts et ambitions. Je peux encore entrevoir mon idéal, je peux encore ne pas me réveiller dans deux jours avec cent ans de plus avec la certitude de n'avoir jamais rien accompli.

Aventure, me revoici. Juste après la pause. D'ici là, j'observe des vieilles dames pour mieux me retrouver, je me cherche dans leurs histoires en espérant ne pas m'y reconnaître.
À ce moment-là, je vois le monde de travers.

vendredi 28 septembre 2012

Quelques pensées

Peu importe ce que nous avons pu partager par le passé, une rencontre impromptue ne garantit pas un bon moment. À s'accrocher au passé, à ses détails et quelques pointes de jalousie mal placée, nous oublions de s'intéresser à qui nous sommes devenus. Les gens changent, les relations s'éteignent.

Un maquillage naturel, si réussi soit-il, restera toujours un maquillage. Surtout sur un homme.

Écrire sans faire de fautes n'est pas nécessairement un gage de qualité. Certaines personnes écrivent très mal dans un respect total des règles de la langue. D'autres débordent de talent et laissent passer quelques bavures grammaticales quand même.

Tant qu'à boire un café décaféiné noyé dans cinq laits et dix sucres, bois un chocolat chaud.

Rechercher la perfection dans une nouvelle rencontre indique un échec assuré. Personne n'est parfait. Si tu cherches quelqu'un qui aimera tous tes petits défauts, arrange-toi pour aimer les siens d'abord.

Complimentez une vieille dame. Non seulement en sera-t-elle heureuse (dans le cas où vous lui dites quelque chose que vous pensez vraiment), mais en plus ça vous fera chaud au coeur. Donner le sourire à quelqu'un vous en donnera un aussitôt.

Certaines idées arrêtées peuvent vous aider à réagir vite dans certaines situations. C'est bien leur seule utilité. Les émettre entraîne un malaise, les promouvoir provoque un débat inutile et sans issue, les croire fermement mène à l'ignorance.

Si tu passes ton temps à te demander ce que l'autre pense de toi, tu ne pourras rien penser de cet autre. La paranoïa de la première rencontre (regarder ce que l'autre regarde, gratter le sens caché des phrases, fuir les sujets trop profonds, éviter de se dévoiler), ça tue l'envie qu'il y en ait une seconde.

Une vieille chanson peut rester actuelle. Une nouveauté peut être programmée pour être dépassée. Sachez apprécier les morceaux qui vous parlent et non ce qui joue ne boucle à la radio.

mercredi 19 septembre 2012

Imagination

Ferme les yeux et comprends ce que tu vois. Un homme, une femme, autre chose, un poteau de téléphone ou un navet, tous te demandent de détourner le regard pour mieux les voir.
Tiens, le navet, par exemple. Laid, un peu gâté, terreux, il hésite à se donner une couleur. Son image n'évoque rien, sinon un légume comme les autres de son espèce. Et c'est plate pas à peu près au coup d'oeil, un navet.
Ferme les yeux. Ta grand-mère en bikini. Euh, oublie le bikini. Disons habillée jusqu'au cou, avec un tablier lilas et des mitaines de four assorties. Ça sent la soupe, chez elle. Sa soupe aux légumes, celle qui te remet sur pied lorsque tu es malade, celle dans laquelle tu te baignerais tellement tu l'aimes. Dans sa recette, elle utilise un navet tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Celui que tu voyais deux secondes plus tôt, par exemple.
Le poteau de téléphone, si tu t'approchais un peu de lui, tu y verrais gravé un coeur un peu croche avec JP+AUDREY écrit dedans. Bien que mal dessiné et à moitié effacé par le temps, tu te rappelles une Audrey qui fut ton amie, ton ex, ta coloc ou ton kick du secondaire.
Ce n'est plus un poteau ordinaire, pas plus que n'importe quel navet. Si tu passes ton temps à regarder avec tes yeux, ta vie va passer en un éclair banal, très banal et sans intérêt. Si tu te promènes les yeux fermés pour ne pas manquer un détail ou un sens caché, tu risques de te péter la gueule quelque part. Tout est une question de dosage.
Je regarde cette personne comme les autres. J'y vois un ancien patron, un confident, une opportunité de carrière, un ennemi juré, un parent, bref n'importe qui. Pourtant, je ne sais rien de son histoire. Il a peut-être fui la guerre des années auparavant, été amoureux d'une première dame qui a dû le laisser filer, participé aux Olympiques vingt ans plus tôt. De son côté, il ne sait rien de moi non plus. Il s'en fout, ça paraît. Il continue son chemin et ne regarde personne.
Cet homme est un navet comme les autres, dans dix minutes je l'aurai oublié complètement. D'autres croisent mon chemin plus souvent. Même en discutant avec eux, je ne saurai jamais leur vraie histoire. Je me crée alors différents scénarios, plaçant ces demis inconnus dans des situations rocambolesques au fil de mes émotions. Secrètement, j'espère qu'on me visualise ailleurs aussi. Comme ça, j'aurais une autre vie, d'autres aventures, loin de la banalité dans laquelle je commence à m'enfoncer. D'ici à ce que je la combatte vraiment, j'imagine le gars de l'entretien ménager en train d'apprivoiser un hippopotame.
À ce moment-là, je vois le monde de travers.

mardi 28 août 2012

Besoins charnels

L'état de manque pousse chacun, d'une façon ou d'une autre. Facile de l'identifier chez les alcooliques, les toxicomanes ou les nymphomanes. La discrétion des autres rend leur manque plus difficile à cerner. Une ancienne collègue de travail s'assombrissait lorsqu'elle manquait de sourires. Un ami panique lorsqu'il manque d'ordre.
Un soir, j'ai trouvé vingt dollars qui ne figuraient pas dans mon budget plus serré que les vêtements de Rihanna. J'ai sauté sur l'occasion de me gâter un peu et je me suis retrouvé au centre commercial. Quelques personnes au taux de testostérone pas trop élevé y accourent pour des souliers glamour. D'autres se ruent sur des accessoires, des films ou  des bidules électroniques pour lesquels ils se créent de nouveaux besoins.
Dans un rayon un peu sombre, je caresse du bout des doigts l'objet tant convoité. Je glisse mon index d'angle en angle, je déshabille des yeux ce qui se cache sous cellophane. Les autres junkies me jettent des regards de doute et de menace. N'ayez crainte, écumeurs des bas-fonds, je ne piquerai pas votre proie. Les couleurs vives cherchent mon attention, les fonds blancs la retiennent. Et puis ça y est. Là, entre une immense horreur remplie de clichés débiles et un truc non identifiable autrement que par sa banalité, il gît là.
Le roman de Matthieu Simard que je cherche en format de poche (donc moins cher) depuis des lustres. Je n'arrive pas à y croire, j'en ai des sueurs froides. Je dévisage une laideronne au sac à dos surdimentionné et un vieux qui veut paraître trop jeune.Ils n'en ont rien à branler, de Matt. Un peu étourdi, j'écarte bien les parois formées de livres voués à l'oubli sous la poussière. Mais qu'est-ce qu'il fout là, il ne suit même pas l'ordre alphabétique? J'insère prudemment un doigt à gauche, puis un autre à droite. Au final, toute ma main droite s'introduit dans l'accueillante ouverture. J'empoigne mon totem de plaisirs littéraires et l'approche de mon corps. Je sens les mots vibrer contre ma poitrine. Ou bien mon coeur se débat, sans importance.
Je plane vers la caisse, à peine conscient de ce qui m'entoure. Je m'en fous, de Fifty Shades of Grey ou de l'énième émule de Twilight. Le monde repose entre mes mains, tout contre moi, déjà partout entre mes neurones déréglés.
La caissière sourit, rit, a le regard pétillant et ne commet aucune erreur de syntaxe ou d'accord. Elle aurait pu se dévêtir que je n'aurais pas été plus excité. Ce pur délice ne me coûte même pas tout mon vingt dollars.
Hey. Un nouveau livre. Je capote. Je sors de la librairie avec la face d'un gars qui vient de faire un tour de l'arrière-boutique avec la charmante jeune femme à la sortie.
Fuck. Mon pénis ne se contient plus. J'étais tellement en manque d'un bon nouveau roman à croquer que j'en ai une érection. Combien de personnes autour de moi sont aussi littérophiles? Je n'ose pas imaginer les sensations des deux incongrus du rayon un peu sombre. J'ai ma gâterie, c'est tout ce qui compte.
À ce moment-là, je vois le monde de travers.

lundi 20 août 2012

La fenêtre

Sur Facebook, j'avais annoncé la parution prochaine d'un extrait de mon nouveau projet ici. Alors sans plus tarder, voici une scène écrite en équilibre sur un module de terrain de jeux en pleine nuit. Aucun lien avec l'histoire, mais bon, j'ai l'inspiration que je peux avoir, pas des miracles!

Mes pieds élancent d'inactivité, comme si j'avais couru le marathon. Mes larmes font rougir celles produites à Hollywood et ma déchirure béante absorbe la pièce.
Cette pièce. Vous savez, cette période où la mode architecturale suivait à la lettre la tendance déco du moment? À la saison où cette maison de malheur fut construite, on entassait de grandes fenêtres dans le coin d'une pièce pour faire moderne. Le monde extérieur me donne l'impression d'être en pénitence permanente dans ce foutu coin.
Et moi, dans le coin opposé, j'ai l'air de quoi? D'une âme en peine, style classique avec une boîte de mouchoirs.
Ne vous leurrez pas, je ne pleure pas de chagrin. Enfin si, mais davantage de soulagement. Comme quand mon petit frère a passé son premier jeu vidéo. Zelda, je crois. Peu importe. Il savourait sa victoire, mais surtout sa défaite de n'avoir pu faire durer le plaisir.
Même chose pour moi. Je pleure ma Zelda, une gâterie évanescente dont j'ai oublié de refermer le bouchon entre chaque utilisation. Je préfère continuer à l'appeler Zelda, ce nom me lacère moins les entrailles que l'autre, le vrai. Ce nom aux notes de miel. Quatre consonnes et autant de voyelles qui m'ensorcèlent et ça la fait rire comme un soleil. Je n'ose pas la désigner «Elle» non plus, ça sonne hypocrite et trop comme son vrai prénom, celui qui m'a laissé tomber une fois de trop devant le regard indécent de notre mon salon qui louche avec trois carreaux à gauche et quatre à droite.
Je bondis hors de mon Kilimanjaro de Kleenex, en bobettes. Il n'y a qu'au plus profond de mon absence de dignité que je porte ces horreurs blanches un peu jaunies avec l'élastique pété.
Les fesses secouées par chacun de mes pas d'endolori, je fonce vers la fenêtre en coin laide comme tout. Je renverse mon thé chaï sur le tapis beige dégueu et je m'en sacre. Enfin, pas tant puisque j'en parle. Mais je n'ai nullement l'intention de nettoyer ça dans un futur rapproché.
Après avoir fait trembler de tout mon poids le fauteuil en cuir brun sous l'immonde baie vitrée, je le scalpe. Son jeté poilu à motif de peau de girafe à la main, j'attaque enfin.
Le morceau de tissu mou enroulé dans le store en aluminium, je le regarde pendre et rétablir une belle symétrie de revue de décoration.
Maintenant, pleurons en paix devant ce regard bienveillant.

dimanche 19 août 2012

Abandonner les huîtres

J'apprécie les autres. J'adore surtout les Autres. À quoi bon échanger des idées avec une version modifiée de soi-même?
Ce que j'aime des relations interpersonnelles, c'est ce qu'elles m'apportent. Chaque ami et chaque bonne connaissance m'apprend quelque chose, ou du moins se rend utile. Attention, pas dans le sens de «contact stratégique», plutôt d'une façon égocentrique et un peu tordue.
La plupart des particules uniques de mon entourage m'ont fait ou me font découvrir une partie de moi-même ou une parcelle de mon monde. Une fois leur enseignement de l'école de la vie complété, je les garde près de  moi. Toutefois, d'autres personnes quittent mon univers de temps à autre. Bien que beaucoup d'entre eux aient leur utilité, il arrive que je me sente vide et inutile en leur compagnie.
Mon principe social central se résume à un échange réciproque. Entre humains, nous sommes égaux et je me dois de leur donner autant qu'ils peuvent le faire. Certains se bornent tout de même à jouer les huîtres: nous savons tous deux qu'une perle s'y cache, mais je n'y aurai jamais accès sans les briser. Ils restent donc fermés, impénétrables et à l'épreuve des fuites. Il ne changent pas avant, pendant ou après mon passage dans leur vie. Je poursuis donc ma route et les laisse vaquer à leurs paisibles occupations autarciques.
Heureusement, les Autres sont présents dans ma vie en direct, en rediffusion mémorielle ou en projection dans l'avenir. Non seulement j'en tire quelque chose, mais en plus ils en bénéficient autant que moi.
Le but des interactions sociales se modifie selon les besoins. Au fond, même s'il laisse une impression différente ou porte un autre masque, il gravite toujours autour du même point: le changement.
Si je tiens à vivre en société et côtoyer plus spécifiquement certains humains, c'est que j'espère changer. Plus loin encore, j'entretiens une petite lueur d'espoir narcissique qu'à quelque part, je laisserai ma trace en eux.
Les huîtres ne me changeront jamais plus qu'elles n'évolueront. Je scrute alors la foule et je tente de départir les sources de changement des fruits de mer.
À cet instant, je vois le monde de travers, encore.

mardi 7 août 2012

Bouquet humain

Le corps subit le même destin qu'une fleur.
Des mois durant, il se forme et se développe dans son terreau fertile. Bien qu'il demeure invisible à l'oeil nu, ses besoins sont déjà présents. Pas de nutriments, pas de foetus.
Un jour, quelqu'un le cueille. Le bébé vit tel une plante quelques temps, avant de bourgeonner. Les premiers signes de personnalité apparaissent et l'individualité s'installe. Chaque fleur diffère des autres. Chacune a son style, son charme, sa signification. Certains deviendront chardons, d'autres orchidées.
Avec les années, la fleur se perfectionne. Jusqu'au jour où elle commence à faner. Le corps se recroqueville sur lui-même, rendant l'enveloppe de la fleur toujours plus flétrie et terne. À l'intérieur, le développement se poursuit. La vie commet alors une terrible injustice en rendant laid et triste ce qui au contraire devient toujours plus vivant.
Et puis un jour, la fleur perd des pétales. Ils ramollissent et se dessèchent ensuite. Ils tombent un par un ou tous à la fois et c'en est la fin d'une fleur.

Chaque jour, nous prenons part à un bouquet. Prendre soin de soi signifie accorder de l'importance à l'harmonie de cet arrangement humano-floral. Une fleur fanée n'est pas morte, juste plus usée par l'expérience.

lundi 6 août 2012

Attendre

Une sage personne m'a transmis une citation célèbre. Si célèbre que je ne sais plus de qui elle vient.
« Celui qui aime attend toujours » (ou quelque chose comme ça)
Et bien j'aime. Je serai en retard ce soir, malgré ma bonne volonté. Toutefois, je l'aurai attendue toute la journée en divers endroits. Dans mon auto, sur une roche, au milieu d'un champ, à côté d'un silo sentant le purin, derrière une dame cachée sous un nuage enveloppant de son parfum dégueu, bref partout ou à peu près. Le sentiment ne me lâche pas d'une semelle. Je sais qu'elle sera là à temps, au cas où j'arrivais à l'heure pour une fois et pas du tout surprise de l'attente. Nous sommes à des kilomètres et je sais qu'elle existe, je sais qu'elle sait que j'existe. Deux corps siamois par le cerveau. Mieux, par l'âme.
Mais quelqu'un d'autre aussi se fait attendre. Je l'attends depuis encore plus longtemps. Dans un cours plate, devant un client poche, sous une pluie d'insultes, immobilisé par la peur de bouger, écrasé de toutes parts et parfois libre comme l'air, j'attends l'autre. Cet autre, c'est moi. On ne peut pas aimer quelqu'un d'autre sans d'abord s'aimer soi-même.
Si je l'aime autant, ça me rassure au sujet de mon amour-propre.
Je nous aime et j'attends encore. Je n'ai qu'à étirer les doigts et je toucherai enfin mon but. En espérant le reconnaître.

mardi 31 juillet 2012

Sale sous la lune

Pleine lune, pleine émotion. Je me sens à ras bord de sentiments confondus. Je pressens le présent, je me rappelle le futur et j'anticipe mon passé. Je me suis perdu quelque part en moi.
Porté par la foule, j'ai cherché à la fuir. Impossible de trop m'en écarter. Sans en être conscient, j'ai mis fin à ma longue errance sur un quai de béton. Une fois seul, je me suis retrouvé.
Sale. Voilà le bon mot. Les trente degrés de Juillet me laissent un peu collant. Mon corps a eu le temps de s'engourdir de chaleur, d'alcool et de fabulations. Sale de me tromper, sale à force de ruminer, sale de me traîner le cerveau dans la boue tous les jours, sale de m'éloigner de moi.
J'ai voulu écrire l'amour, forcer mes personnages à faire comme si leur couple allait bien, à me raconter leurs débuts comme si la suite allait être pareille. Pourtant, ils ne sont qu'une rupture, l'éternelle rupture entre ma conscience et le monde. Je divorce chaque jour de ma prison interne pour mieux m'y réfugier. La coupure entre mon imagination, mes perceptions et la réalité me donne l'impression de dériver. Mes pieds volent au-dessus de l'eau, la lune m'appelle. Assis sur une rampe, je peux lui toucher et le reste se cache loin derrière moi.
À cet instant, j'ai autant le mal de mer que le mal de l'air. Si attrayante puisse-t-elle paraître, la terre ferme a l'avantage de la stabilité. Du moins, en apparences.

vendredi 27 juillet 2012

Grain de sable

Un grain de sable dans l'univers. Cliché, certes. Le sentiment demeure tout de même présent. Se sentir inutile, insignifiant, ça ne passe pas par mille expressions toutes faites.
Je bats des ailes, agite les bras, m'époumone, renverse tout sur mon passage, détruis mon entourage et le reste, explose, implose, gratte chaque recoin pour laisser ma trace dans l'univers. Rien. Des pas de géant qui mènent à la stagnation. Les larmes remontent le courant, ma vision se brouille et se rétrécit jusqu'à ignorer tout autour. Sans réponse de l'extérieur, je me replie et m'enferme en moi-même. Un origami d'épuisement qui ne donnera pas un cygne ou un bateau.
Puis vient une gentille vieille dame. Baignant dans l'insignifiance, je me juge futile et elle ne le remarque pas. À demi aveugle, confuse, ligotée à une marchette, elle sourit de toutes ses fausses dents. Pas ce sourire forcé distribué par millions par tout le monde, ce joli sourire qui vient de loin. Son âme me dit bonjour. Mes yeux s'ouvrent, ma voix s'anime, les couleurs vibrent et fuck les détestables. Elle est enfin là. Celle qui me prouve que parmi toutes les vagues que je tente de provoquer, la plus simple marquera davantage mon existence.
Cette dame ne parle pas à une machine à faire payer. Elle ne regarde pas un figurant. Elle sait que lorsque le magasin ferme, j'existe encore et j'ai ma propre vie. Elle a envie d'asséner un coup de marchette au gros cave précédent. Elle me laisse faire mon travail, coopère, ne m'empêche pas de lui donner un petit "plus". Elle est humaine et me considère comme un être égal.
Elle repart aussi vite qu'elle est arrivée. Elle laisse un léger vide sucré. Mon coeur sourit et elle l'a vu. C'est tout ce qui compte. J'ai ma place.

vendredi 20 juillet 2012

Emportons-nous sur la folie

Pas de surprise là-dedans, je suis complètement fou.
Dire que je suis dingue confirme cependant qu'il me reste assez de sagesse d'esprit pour m'en rendre compte. Donc je ne suis pas fou, ce qui revient à me contredire en moins de trois lignes. Ça tombe bien, il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idée. Personne ne me reprendra là-dessus. Hum, alors puisque là-dessus ma position ne bougera pas, ça me reclasse parmi les dérangés. Sauf que je m'y place moi-même, preuve encore une fois d'un minimum de lucidité.
Assez pour rendre quelqu'un crackpot. Le moment idéal pour s'emporter sur le sujet. Non, puisque je viens de l'annoncer, la surprise est gâchée. En fait, voilà ce qui m'agace, peu importe ce que je dis ou pense, je peux détruire ma vision allègrement, alors même les pensées que je croyais personnelles et protégées de l'horrible monde extérieur finissent par subir les affres de la réalité, réalité qui, de toute façon, ne peut pas être totalement certaine, voilà qui me rassure un peu car si elle ne changeait pas, la réalité serait complètement folle et qui sait ce qu'elle pourrait devenir, malgré qu'à présent, les temps sont fous et regorgent de gens spéciaux, et attention je dis «spéciaux» parce que c'est une façon de dire bizarres, inconséquents, troublants, démentiels, éreintants, désagréables et dérangeants, sans toutefois les froisser, parce qu'on ne veut pas les froisser, la politesse devrait encore exister bordel, ça me fait penser à la dame qui m'a carrément poussé contre un présentoir de jeans cette semaine et qui m'a dévisagé avant de se plaindre à son amie que j'étais un jeune impoli parce que je ne me suis pas excusé à cette vielle calice qui ne sait pas vivre, ça devrait prendre un permis pour vivre parfois, je suis persuadé que beaucoup seraient recalés et devraient se cloîtrer jusqu'à ce qu'ils passent l'examen, mais au fait quel examen, je ne vois pas quoi évaluer pour ce permis, lâchez-moi avec vos questions.
Bon. Donc inutile de s'emporter, puisque je l'ai annoncé. Ça me fait penser, récemment j'ai réappris les règles pour utiliser l'impératif. Voyez-vous, j'étais écoeuré des gens qui n'ont aucune politesse. Ces demeurés conjuguent tout à l'impératif, comme si rien d'autre ne convenait à l'expression orale. «Fa-moé un grand café, ma deux laits d'dans. Là tu vas prrrendre mon cinq piasssses, tu vas me donner mon change. Tu me donnes une nepkiiin. Fa-moé un sourire. Tu vas me donner un beigne aussi. Non pas lui, tu vas prendre lui, là, lui, là, là, LUI! Tu me l'charges? J'ai dit tu vas me le donner pis là  tu vas me le charger. Souris là, c't'une farce. Madame, hey, riez. Bon ben crisse, encore une p'tite jeune effrontée, tu vas voir, toi!» Parfois c'est même pire que mon exemple du monsieur qui pue devant moi au Tim Hortons. Bon, là je me perds dans mes mots. Ça n'arriverait pas si les gens arrêtaient de se couper la parole la bouche pleine sans même ouvrir une porte ou céder le passage. Voyons voir,où en étais-je?
Ah, oui. Je suis complètement fou. Malgré que de le dire comme ça, c'est de la conscience donc plus de folie possible. Embêtant.

lundi 16 juillet 2012

Réveil-matin

N'importe quelle chanson entendue le matin a de fortes chances de vous tourner en tête toute la journée. Et même plus. Réglez votre réveil sur une station de radio débordante de mégahits suintants de pop bonbon. La journée sera plus positive avec «Lolipop, lolipop, sunshine and lolipops» qu'avec «Je suis un saule inconsolable».
Ces temps-ci, je fais un jukebox de moi-même. Je me spécialise dans les vieilleries québécoises. Je vous ai donc mentionné Ginette Reno et Marjo dans des textes précédents. Voici le tour d'Isabelle Boulay.
Je t'oublierai, je t'oublierai.
À première vue, écrire une chanson qui passera tous les jours à la radio risque davantage de faire perdurer le souvenir que de l'oublier. En fait, elle s'est probablement exorcisée de ce dit souvenir.
Je m'explique. J'ai passé des années à me couper des mes émotions. J'ai maintenu mon humeur au plus haut possible, quoi qu'il arrive. Du refoulement instantané, donc. Ça ne marche pas. Sur le coup, oui, l'oubli passe inaperçu, mais tôt ou tard, tout revient. Toujours plus fort, plus profond, plus blessant.
Alors c'en est fini. J'oublierai.
Je recommence. Rien de mieux pour oublier que de se lancer tête première dans le connu. Un connu plus savoureux, plus excitant, plus charmant et plus sexy. L'ancien rayonnait, le nouveau éclipse par sa nouveauté. Pendant que je me réconforte dans mes vieilles affaires, rien ne m'empêche de trouver mon nouveau.
Mon nouveau, il dort en moi. Mon nouveau moi moisit entre mon Moi et mon Surmoi. J'ai mal à la mâchoire juste à écrire ça. Je ne l'oublierai pas. Il entre en sommeil paradoxal. Le moment idéal pour lui laisser le contrôle, pour tester ses limites, pour flirter avec la hardiesse en sachant que je ne perdrai pas tout. Il me restera mon vieux moi, à la surface.
D'ici à une opportunité exceptionnelle, je règle mon réveil pour la provoquer. Sans appuyer sur snooze.

vendredi 6 juillet 2012

Encore du fantasme

Demandez à n'importe qui s'il a des fantasmes, il vous dira non. Personne n'ose en parler librement. Nous considérons les pensées enivrantes comme personnelles, osées, dérangeantes et irréalisables. Ne nous écartons pas de la réalité, tout n'est pas nécessairement bon à dire.
Imaginez maintenant que vous ayez trouvé partenaire pour la réalisation de ce fantasme. Au début, vous n'osez pas y croire. Vous vous regardez dans les yeux pour ensuite détourner le regard, vous riez comme des écolières et aucun n'essaie d'initier le mouvement. Soudain, un déclic. L'un avance timidement, l'autre se garroche dessus et c'est parti.
Vous le refaites. Encore une fois, puis une autre.
Des mois passent. Lorsque vous y pensez, vous rougissez de plaisir et de culpabilité. Par définition, un plaisir coupable, comme une vieille chanson de Marjo. Et comme elle le chante parfois, on n'apprivoise pas les chats sauvages. Votre fantasme ronronne un moment. Il n'attend qu'un signe de négligence pour sortir ses griffes.
Il y a maintenant des années que vous vivez votre fantasme. De moins en moins souvent, ou du moins, vous n'en tirez plus autant de satisfaction. Autrefois un accessoire à votre vie, tout gravite autour à présent. Vous ne ressentez plus ce plaisir intense des débuts. Votre petit délire peut même en être venu à vous écoeurer. Vous ne pouvez plus vous en passer. Chaque fois est une plaie.
Vous tentez de vous en passer. Tout va bien, puis une pensée s'insère dans le moment et voilà la nouvelle habitude de retour au galop. Vous vous en passez de plus en plus longtemps, mais pas moyen d'arriver à l'orgasme tant que le souvenir n'arrive pas. Ou la scène fictive, ou les images, ou les sons voulus, peu importe ce que c'est, arrêtez de m'embêter avec vos histoires tordues. J'ai assez des miennes.
Vous réalisez que vous êtes prisonnier de votre fantasme. Votre chat sauvage vous a pris en otage. Il vous domine et dicte vos gestes futurs. Vous devez lui obéir, sinon pas question de ressentir le moindre plaisir, sinon bonjour les symptômes de manque ou le pathétisme.
Vous voulez vous libérer tout seul. Il faut en moyenne huit essais avant de pouvoir espérer un résultat permanent. Vient ensuite une vague connaissance qui vous dit, du haut de sa sagesse, que les fantasmes sont faits pour meubler vos pensées et non pour être réalisés. Vous l'envoyez promener car il a raison.
Vous vous dites que jamais plus vous ne succomberez à une telle folie.
Vous avez tort.

lundi 2 juillet 2012

Un peu plus loin


Un peu plus haut, j'aimerais briller mon étoile. Le monde s'aveuglerait sous ma lueur grandissante, surpris devant tant d'immensité illuminée.
Un peu plus loin, toujours en fuite de ma propre existence dénuée d'intérêt. Jamais une étoile, toujours sujet absent. Le  néant s'abstient de commentaire et passe sa route, toujours la fuite et jamais d'arrivée.
Encore un pas, juste un pas et je pourrai m'évader. Quelques centimètres et la liberté m'emportera. Un seul autre pas, ce coup de pied aux fesses dont j'ai besoin.
Un petit pas, pas trop grand pour ne pas faire peur. Une tape dans le dos et le dossier sera envoyé, une main sur l'épaule et la destiné sera tracée.
J'aime Ginette Reno. Sa chanson ne me sort pas de la tête. Un ver d'oreille, comme dirait un ami. Pourtant, je sens que ma vie tournera sous peu. Sur le bord du précipice, mes orteils font face au vide et mes talons flottent à un mètre du sol. Seule la plante de mes pieds repose sur une rambarde. J'attends depuis si longtemps qu'on viennet me pousser, personne ne viendra.
Je dois sauter par moi-même. Je tomberai vers le haut, les pieds dans le vide, la tête dans les nuages, plus vivant que jamais. Je retrouve mon feu, je me retrouve. Je vais foncer, je le sens, mais pas ce soir, pas demain soir.
D'ici la fin de l'année, si le monde ne se termine pas d'ici là, je me serai lancé dans l'avenir. En espérant ne pas me planter en pleine face sur du béton armé de rêves brisés.

mercredi 20 juin 2012

Peine à perpétuité

Prison à vie. Je fronce les sourcils à chaque fois que je me rappelle les vingt-cinq années que représente cette sentence.
Je moisis en prison depuis à peu près vingt-cinq ans justement. Ma libération demeure invisible à l'horizon, contrairement à n'importe quel criminel grave jugé au Canada.
La prison à vie, c'est d'être enfermé dans un corps qui ne nous plaît pas. Pire, qui ne plaît pas aux bonnes personnes pour atteindre un but. C'est aussi avoir peur avant de tourner une page. Au moment de réaliser un changement ou de mettre les choses au clair, les barreaux se referment et je m'y enfonce toujours plus creux.
C'est de se réveiller chaque matin avec un mal de bloc, qu'on ait fait la fête ou non. C'est tout faire par habitude pour oublier les jours qui défilent. Pleurer de l'intérieur quand l'extérieur ne veut pas le faire. S'époumoner toute la journée dans sa tête parce qu'autrement, aucun son ne sort. Sourire avant que le masque ne se brise. Vomir ses idées sur papier. Les cracher au visage des autres. Mourir à petit feu en attendant des nouvelles qu'on n'a plus la force d'espérer.
La vraie prison à vie, ça dure beaucoup plus que vingt-cinq ans.

mercredi 13 juin 2012

À l'heure

Je fonds au soleil. Mes neurones se liquéfient. Ma sueur coule à flots, ma peau se dore et le sommeil l'emporte. Pour une fois que je n'ai pas à le provoquer ou le chercher, je dois le combattre. Autant écrire que rêver. Quel espèce de jeune fainéant je fais, somnolent au centre-ville!
Je ne me presse pas, cette fois, ce qui me change pas mal de mon habitude. Retardataire depuis toujours, j'attends pour une fois ma tendre moitié plutôt croustillante.
Depuis douze ans, elle m'attend. Depuis douze ans, j'arrive en retard et ça nous convient tous les deux. Là, les rôles s'inversent. Trente minutes d'avance pour compenser de mes années de retard. L'heure du rendez-vous passe, elle panique. Armée, elle menacerait le chauffeur de bus de foncer, de défoncer les automobiles ralentis par la tourista. (Tourista: maladie temporaire frappant le Vieux-Québec rendant les visiteurs lents, exécrables, lents, abrutis, ultra lents, perdus, adeptes du sur place et dépendants de la caméra.)
Elle tarde à réaliser une entrée remarquée dans ce parc surpeuplé. J'ai hâte de la revoir. Je comprends comment elle se sent, pourquoi elle est toujours si patiente. Je le savais déjà. Je l'aime.

Conversation aux Merveilles

- Je ne suis pas fait pour les relations.
- Ça te prendrait quelqu'un de jetable.
- Ben là!
- Voyons, qui est-ce que je connais de jetable?
- T'es vraiment une personne ignoble.
- Ah oui! J'en ai un en tête!
- Tu commences à m'écoeurer.
- J'ai bien connu quelqu'un de jetable. C'était un appareil photo.
- T'es con.
- Notre histoire fut très brève. À peine 24 poses.
- Je t'emmerde.

lundi 11 juin 2012

Boulet de canon

Seul.
Devant l'immense, la solitude s'absente. Le lucioles donnent le tempo, les lampadaires peuplent et l'eau rend le tout un peu plus humain. Juché sur un canon, le monde tremble à mes pieds. Je me sens tout-puissant, gorgé d'hormones, en plein délire mégalomane.
Un pas et la fin me happe de plein fouet. Un seul petit pas, maladroit ou déterminé, puis tout s'arrête. Je me laisse charmer par l'idée. Nous flirtons un moment. La faible brise me pousse à peine vers le précipice, hypocrite.
Mon heure ne viendra pas aujourd'hui. Je ne sauterai pas. Je me connais, je ne sauterai jamais et c'est tant mieux. D'autres le feront et j'ai une pensée pour eux, pour ces épris de la poussée. Je ne suis pas seul à la sentir. L'impulsion tend la main, tente de me prendre par le collet. Il faut la repousser, c'est ce que tout le monde dit. Comme si ça importait vraiment. Les pieds dans le vide au bout d'un canon, les autres diront bien ce qu'ils voudront.
Ma tête se vide, mes nerfs se relâchent. Les pensées intrusives s'évadent, les devoirs sociaux s'envolent. Il n'y a plus que mon corps infus de détente. Et le vide. Tomber, c'est s'endormir pour de bon. Une fuite dans le calme. Une fin insignifiante. Autant retourner sur terre et combattre.
À vie.

dimanche 10 juin 2012

En avant la musique

Loin de chez moi (comme si je savais vraiment où c'est, au départ), je me sens un autre. Froid, distant, faussement pressé, je fend la foule vers ce qui me retiendra loin de mes pensées. Mon iPod se charge de mes oreilles. Je fonce, féroce et infusé de musique. Quelques minutes et bam, ça se produit.
Il fait chaud, mes pieds font squick dans mes gougounes, ça pue, le soleil tape et maudit que les gens sont laids. Mais mon corps ne s'en rend pas compte, on dirait. Il envoie tout mon sang au même endroit, si vous voyez ce que je veux dire. Gêné, je vérifie que je ne marche pas avec une tente montée. Correct. Bon, ça va passer.
Eh bien non. Une heure plus tard, je pénètre dans une cabine d'essayage et je replace le tout. Les changements de vêtements me demandent de me dénuder les oreilles et de les soumettre aux choix musicaux pour hipsters. Je déteste ces remix abusifs. Et ça redescend enfin.
Dix minutes plus tard, de retour avec Gotan Project et Moby. Ça repart. Je marche. Je tente d'oublier ma raideur. Je me rends compte que je mate depuis le début. J'ignore la laideur. Les gens sont laids, mais je cherche à savoir qui m'excite le plus là-dedans quand même. Je dois être brisé ou défectueux. J'enlève mes écouteurs en entrant dans un café. Les passants redeviennent affreux, voire pires.
C'est la musique. Cette satanée musique qui m'allume plus que tout. Après la gérontophilie, la dendrophilie et la tristement célèbre scatophilie, voici la musicophilie. Faire l'amour avec des artistes du son à tous les soirs, en passant d'un à l'autre sans inhibition, c'est ben l'fun. Beaucoup plus qu'un gang bang.
Vont-ils porter plainte? Ils pourraient se sentir violés du clavier. Ginette Reno se sentirait discriminée parce que je ne baise pas sa musique (même si c'est bien bon). Et si je ne pouvais pas me retenir, que la musique au travail m'excitait au point de déraper? Si ça venait à se savoir? Qu'est-ce que mes proches vont dire? Je vais passer pour un pervers de l'electro. Mes parents auront si honte qu'ils vont me renier. Comment vais-je trouver partenaire qui tolère ça? Il doit y avoir des sites spécialisés dans ce genre de rencontres. Quel genre de dégénéré peut bien aller là-dessus? Si je tombe sur des amoureux d'Edith Piaf ou de Julie Masse, que fais-je?
La société ne m'a pas préparé à affronter ça. On m'enseigne depuis toujours que ma vie sera banale, sans anicroche, sans intérêt même. Là, j'ai un problème et il paraît dix fois pire, faut d'être informé ou du moins outillé pour y faire face.
Ce raisonnement vous est familier? Sûrement. Tout le monde passe par là, peu importe le sujet du questionnement. Personne n'est préparé à la différence. Je ne sais pas ce qu'on nous transmet vraiment comme base, mais ce n'est pas si utile que ça. Après un tel conditionnement au conformisme, la moindre dérogation aux plans initiaux vaut une crise existentielle. Et pas juste pour soi. Tout l'entourage y passe. Tout le cerveau y passe. Tout le concept d'identité aussi. Personne n'est à l'abri du lavage de cerveau non plus.
Je retourne à Radiohead.

mardi 5 juin 2012

De marbre


De marbre. L'homme reste immobile devant la foule. Ses cheveux humides lui collent au visage. Sa peau se contracte au contact des bourrasques d'air froid. Debout, bien droit, les bras croisés, il fixe loin devant.
À ses pieds, à côté de ses vêtements détrempés et d'un sac à dos aux coutures sur le point d'exploser, une femme décide de l'approcher. Elle s'avance, entend son souffle, sent sa peau battue par le temps.
L'homme ne la voit pas. Il surveille le même point sans relâche, sans contact avec son environnement immédiat. Coupé de son corps, il semble très loin dans ses pensées. Trop loin.
La femme arrive à quelques centimètres de ses jambes. Elle s'appuie sur son piédestal de fortune, un gros rocher. Elle tend la main vers un mollet, puis se ravise.
La nudité de l'homme intrigue plus qu'elle ne choque. Les voyeurs se lassent vite de commenter ses organes génitaux et s'inquiètent de la raison de son absence d'accoutrement.
Dissimulé sous une camisole légère, un chandail horrible, une veste coupe-vent, un pantalon trop grand et une casquette ridicule, le corps de la femme jalouse celui de l'homme. Il préfère le confort des vêtements par un temps pareil. Il envie la peau de l'homme qui ne réagit même pas à l'air glacé.
Surexposé, le corps de l'homme jalouse celui de la femme. Son propriétaire ne le sait pas car il s'emporte toujours plus loin. Il aimerait le confort des vêtements. Il voudrait pouvoir réagir au vent, à la pluie, au froid grandissant.
La femme s'est lassée de la contemplation. Elle empoigne son téléphone cellulaire, prend une photo, l'envoie à trois de ses amis, commente l'événement sur cinq ou six plate-formes électroniques, puis tourne le dos au phénomène de foire. Elle s'éloigne. La moitié des curieux lui emboîtent le pas. Ceux qui restent se découragent lentement, de moins en moins rejoints par de nouveaux arrivants.
Vient un temps où l'homme se retrouve seul. Nu, frigorifié, ignoré.
Cet homme, nous le sommes tous. À l'ère des moyens de communication abusifs, ils nous tiennent captifs. La révolte ne dure jamais longtemps car on trouve mieux à faire, plus stimulant à regarder.
Je me demande quel est l'avenir des œuvres d'art, des représentations de la réalité et des souvenirs. Il n'y a qu'à regarder son cellulaire pour que tout disparaisse. Le monde nous laisse.
De marbre.

jeudi 31 mai 2012

Changement de geôle

Un air d'été, tout léger. Le vent frais caresse ma peau, fait danser mes cheveux, s'infiltre sous mes vêtements et passe par mes poumons. Il se lève, me lève, déclenche ma transe.
Voilà, c'est l'été. La saison du café, celle où je ne dors pas, je bronze même en voiture, je me remplis de projets et je ne les respecte pas. La saison du manque de respect. Celle où je renie mes convictions, où je contredis les idées établies, où je bois presque tous les soirs en infime quantité, où je me dis que je devrais profiter du beau temps et où j'écris sans arrêt. Je crie sans arrêt. C'est le moment de l'année où je suis le plus insatisfait. Un rien me fait sortir de mes gonds. Un plus petit rien me transporte loin de mes soucis.
L'été, je m'évade. Je me sors de mes geôles accumulées pendant l'année. Libarté, comme on voyait partout sur des pare-chocs, quelques années plus tôt. Ma libarté, je ne l'atteindrai jamais. Être en moi, c'est déjà être enfermé quelque part. Alors autant en tirer parti et transporter ma propre prison pour la dénaturer.
Changer.
Voilà comment se sortir d'une prison. Il faut juste la changer.

mardi 29 mai 2012

Vivre.


Dans une sombre cave infestée de rats, l'humidité règne. Elle monopolise l'air, s'infiltre dans les poumons et horripile les nez sensibles. S'y laisser prendre, c'est se condamner à la moisissure.
La moisissure, elle, menace tout ce qui a jadis eu une vie. La table de grand-mère laisse s'échapper les souvenirs par ses relents de champignons. Les rats s'encrassent et leur fourrure se parsème de mousse verte, jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent et meurent.
La mort, elle, préside déjà cette triste assemblée. Elle guette chaque membre jusqu'au premier égarement, puis frappe. Elle s'abat sur quiconque. Elle détruit quoiconque. Son état est totalitaire. Son caractère incendiaire terrifie.
L'incendie, lui, se prépare dans l'inconscient. Il produit une étincelle ici et là, sans qu'on ne le remarque. Il consume un neurone, puis un petit groupe et finalement, emporte l'ensemble vers sa mort. Parfois, il s'abat sur la mort elle-même et permet même de relancer une vie. La plupart du temps, il embrume la pièce, étouffe la vie et restreint l'action. Il crépite pour faire taire la voix de la raison.
La raison, elle, ne viendra pas. Morte et enterrée depuis belle lurette, les autres ont tant dansé sur sa tombe qu'ils en ont mal aux pieds. Las de réjouissances, ils ne se rappellent plus ce que c'était lorsqu'elle agissait encore.
L'agissement, lui, dort entre vos mains. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne se réveille. S'envolera-t-il ou lui ferez-vous confiance?
Dans une sombre cave infestée de tout ce qui existe de mauvais, vous gisez par terre. Vos os moisissent et votre peau ratatine d'humidité. Vous pouvez vous en sortir, mais ils sont si nombreux à vous convaincre de rester là. Ils vous auront, tôt ou tard. Vous les déjouerez, lorsque vous le voudrez.
On dit souvent de combattre le feu par le feu. On s'en fout du feu. Combattez, c'est le principal.
En cas de besoin, parlez-vous à la deuxième personne, c'est rassurant. Voyez comme je me suis décidé à agir, à écrire, à publier sur mon blogue, à assumer mes images, à vivre.
Vivre.

mercredi 23 mai 2012

L'impossible paix


Après la guerre des portes, voici l'impossibilité du café tranquille.
Je m'explique.
Depuis le 20 août dernier, je réside tout près d'une panoplie d'établissements scolaires. Pour ainsi dire, 95% de mes voisins sont étudiants et, la plupart du temps, très jeunes. Jeunes de corps, mais surtout jeunes de coeur. Je n'ai pas réussi à avoir un vrai 24h consécutif de calme depuis mon emménagement. Dès que je suis chez moi, je n'ai qu'à m'installer confortablement pour être dérangé par des voisins plus ou moins proches mais surtout extrêmement bruyants et irrespectueux. Je dois donc sortir pour me retrouver seul ou en paix. Amoureux du café, j'opte la plupart du temps pour ce genre d'endroit. Comme ce soir.
Ce soir, j'ai une idée de génie pour un nouveau projet de roman qui remplacerait celui des derniers mois qui s'est vite essoufflé. Tout excité, je me suis installé au salon avec Aurèle, mon précieux portable. Aurèle et moi, nous avons sursauté lorsque le beat d'au-dessus a retenti en faisant résonner le plancher, les murs et la vaisselle sale. J'ai pris une bonne inspiration pour me cloîtrer dans ma bulle, puis j'ai tapé les premiers mots. Ce fut alors au tour des voisines du dessous de tenter d'enterrer la musique du dessus. Les bourdonnements étouffés de toutes parts pourraient rendre fou un fou. Et en me disant cela, l'une des voisines inférieures se met à opérer. Dans le sens de chanter de l'opéra.
Me voilà donc au café le plus proche.
Me voilà donc confortablement installé, avec un grand café corsé à souhait. Bon, peut-être pas si bon, mais quand même mieux qu'un café instantané en poudre qui danse dans sa tasse en raison des voisins sans bon sens.
Me voilà assis depuis deux minutes qu'un vieux monsieur s'installe trois tables plus loin, face à moi. Il fait mine de regarder le dossier spécial (en fait, le centième sur le sujet) sur le conflit étudiant, puis pose son journal après une minute. Et il me fixe.
Parfois, les gens fixent dans le vide et on se retrouve dans leur champ de vision un peu par hasard. Je le fais souvent. D'autres fois, on nous fixe pour de vrai. Son regard à moitié vide n'étant déjà pas très rassurant, je me tourne un peu pour un tête à tête plus intime avec Aurèle.
Le vieux se tourne un peu aussi.
Je décide de l'ignorer, de toute façon je dois écrire. J'ai tellement négligé mon écriture ces dernières semaines, je dois m'y remettre à tout prix.
Je tente un test. Je baîlle. Il baille. Je me gratte le cou, il se gratte le cou. Je rebaille, il rebaille, je me regratte, il se regratte, je me retourne subitement et il prend la même direction.
Fuck. Maudit monsieur qui ne me lâche pas.
Ça lui aura pris une heure avant de se tanner de me fixer. Une heure pendant laquelle j'ai écrit une demie-page d'un premier jet sujet à beaucoup de retravail.
Je gage qu'il a assommé une fille avec la porte en sortant.
Je n'ai peut-être pas écrit en paix, mais au moins j'ai des idées.

mardi 22 mai 2012

Galanterie manquée

Dans mon monde vu de travers, la bêtise est humaine.
Mon texte précédent débutait sur la dichotomie entre jeunesse et vieillesse. Eh bien aujourd'hui, j'ai vécu les deux. Je m'explique.
Depuis quelques (disons une cinquantaine) années, la galanterie se fait rare. Quelques personnes seulement peuvent encore en profiter, essentiellement de vieilles dames ou un peu moins vieilles mais chargée comme des mulets. Imaginez la surprise lorsque le geste vient d'un homme de moins de soixante ans. Surtout lorsque cet homme paraît encore plus jeune qu'il ne l'est, qu'il vous sourit et qu'il attend que vous ayez franchi le seuil de la porte avant de s'y aventurer aussi. Souvent, j'ai droit à un regard suspicieux, un sourire gêné, parfois un merci tout discret. D'autres fois, les gens figent, me dévisagent, utilisent une autre porte, me rentrent dedans, changent de chemin ou se cramponnent à leur sac à main.
Aujourd'hui, j'allais entre dans un centre d'achats. Jusque là, rien de spécial. Par la double porte vitrée que je tenais déjà par la poignée, je vois s'approcher une dame toute frêle suivie d'un bougon. Pas comme dans la télésérie du même nom, plutôt comme un vieux monsieur aux traits tirés vers le bas, au regard haineux en permanence et aux mouvement brusques et méchants. J'ouvre la porte, souris à la dame et me fait violemment bousculer. L'homme reste planté devant moi, puis s'approche à quelques centimètres de mon visage déconfit.
«T'es pas un portier, crisse. Pour qui tu te prends?»
Il me pousse encore une fois, agrippe le squelette avec des cheveux qui le précédait et l'entraîne plus loin. Je les regarde s'éloigner, un peu abasourdi.
Quelques minutes plus tard, je récidive. Au moment de sortir du bâtiment, encore par la même porte, je vois une jeune femme se préparer à la plus étrange contorsion équilibriste pour ouvrir la porte, faire entre sa gigantesque poussette contenant des centaines d'articles (et, quelque part, un bébé), poursuivre un conversation téléphonique et qui sait, un coup partie elle aurait pu s'entraîner à l'escrime. Je me dépêche de lui ouvrir la porte avant qu'elle ne se déchire quelques épaules ou qu'elle s'écartèle. Elle me lance un regard noir. Pas gêné, pas poli, pas fâché, noir. Avoir eu des super pouvoirs, elle m'aurait désintégré sur-le-champ. Toujours au téléphone, elle se coupe elle-même au milieu d'une phrase.
«Ark ya un ostie de jeune qui m'a ouvert la porte.»
Ça part mal. Puis, en ma direction:
«Touche pas à mes affaires, le fêlé! Retournes d'où tu viens!»
La porte vitrée s'est refermée sur elle, me censurant le reste de sa pensée. Bonne porte.
J'avoue ne plus comprendre les gens. Déjà que je me sens un peu étranger, là, c'est un record. «Retournes d'où tu viens»? Que voulait-elle dire par là? En plus d'avoir l'air originaire du secteur, je le suis!
Morale de l'histoire: la bêtise est humaine. À vous de décider si c'est moi qui suis trop bête pour m'empêcher d'ouvrir la porte aux gens, ou bien le bougon qui m'aurait massacré s'il avait eu une matraque, ou la folle qui m'a pris pour un détraqué d'une autre planète.

Attendre

J'écris quand il pleut. Mon cerveau baigne dans l'humidité, ma peau devient collante et mes idées se mettent en place. Depuis mon réveil, la chanson We Are Young me trotte dans la tête. «Nous sommes jeunes, ce soir.»
Ce soir.
C'est tout le temps d'être jeune. Après une longue journée d'enfance et d'adolescence, la soirée marque la fin de jeunesse. Le lendemain, l'adulterie commence et la vieillesse du soir s'installera.
De quoi rêviez-vous, au début de votre jeunesse?
Maintenant, où êtes-vous?
Je n'y suis pas non plus. Nulle part où j'aurais eu envie d'être. Ma vingtaine s'effrite et je m'enlise dans une mare de carcans dont je n'ai jamais voulu. Ce que la télé m'a entré dans la tête ces dernières années, c'est «Wait for it». C'est l'heure du «Go for it». Temps de prendre mes rêves par les cornes, temps de varger dans ma geôle imaginaire, temps faire quelque chose avant  d'oublier d'exister, coincé dans un emploi sans avenir et un avenir sans issue.
La pluie, ça ne me fait pas. Mes neurones court-circuitent avec toute cette eau.

mardi 15 mai 2012

La pluie

J'aime la pluie. J'aime surtout marcher seul, en soirée, juste après une bonne averse. Je marche à travers un épais nuage d'humidité fraîche et enveloppante. Je finis tout détrempé, un peu gorgé d'eau et la gorge en feu. Chaque fois, ma tête s'emporte et mes pensées pensent toutes seules. Elles me guident et me font oublier ce qui m'entoure. Autour, les voitures se pressent d'asperger les piétons ou de les couper. Les passants fendent l'air, la tête basse. Les vélos giclent de partout, les chiens se trémoussent à chaque coin de rue, les autobus sentent les vieux bas sales, les terrasses désertées donnent un air post-apocalyptique à la soirée et hormis la bruine et les voitures, pas un son. Les fenêtres sont presque toutes fermées.
Celle que j'aime le plus fermer, c'est celle entre mon cerveau et le monde extérieur. J'ai eu deux heures de quiétude chez moi, un record depuis longtemps. Deux heures à tenter de décrasser le tout, à fulminer à propos des traîneries, à chercher la provenance d'une odeur de moisi qui ne vient pas de mes affaires, à souhaiter à la fois une invitation et la sainte paix pour une autre heure. Puis les filles de l'étage inférieur arrivent. Elles jacassent, rient, ouvrent une bouteille et crient. Elles montent le son au maximum. Elles branchent je-ne-sais-quel système pour que ce son soit encore plus fort. La visite arrive, le plancher vibre, les murs résonnent. Les voisins d'en haut se crient dessus, martèlent le sol, déplacent des meubles. J'essaie d'écouter un épisode d'une sitcom américaine, mais le volume maximal de mon portable ne parvient pas à couvrir les bruits ambiants.
J'aime la pluie. Elle me permet de m'évader. Je quitte mon brouhaha, marche sans but et fuis ce qui pourrait me confronter à mes pensées. Il ne me reste qu'à me laisser baigner dans l'humidité en pleine rue. Loin du bruit. Loin du désordre. Loin de ma réalité.

Premier message, alias test

Ça y est. Je me relance. La dernière fois, il y a un an, je me suis lancé les yeux fermés dans l'inconnu et puis l'inconnu a disparu. Il fallait bien que je commence enfin un blogue pour que le site l'hébergeant ferme. Les sujets amenés sur mon blogue précédent me serviront de tremplin. Mais pas dans le sens de nouvel envol sur une même base. Dans le sens où je sauterai dessus à pieds joints pour m'élancer toujours plus loin. Maudit que j'ai de l'ambition parfois. Je m'énarve moi-même.
Trêve d'élan mégalomaniaque, me revoici sous forme de blogue. Me revoici avec mes idées tordues, mes rêves étranges et mes pensées distordues. Les messages classiques suivant, vous ne les retrouverez pas ici, du moins pas consciemment :
- Moé, dans mon livre à moé, j'pense que...
- Les autres sont tous caves, moé je dis que...
- Le monde s'abat sur moi et je subis les affres de mon destin
- Je suis si intéressant, notez l'emploi abusif de grands mots à mille piastres
- Je vais parler de ça parce que ça fait les manchettes (même si ça ne me touche pas)
- Hier soir, pendant qu'on faisait l'amour... (description, image et extrait vidéo)
- Hier soir, à la télé...
- Ce matin, j'ai regardé par la fenêtre et le chant des oiseaux enchantait mon éveil...
- Ce matin, j'ai pleuré mon désespoir en voyant les nuages et les pauvres oiseaux enfumés...
- Mon blogue pourrait être intéressant, mais je suis si hipster-cool-branché que I write in English just to be fashion, même si I'm not really bilingue and I don't understand everything I write
- Rien à dire, mais je bullshite quand même

Bon. Vous saisissez le portrait. Rien de tout ça ici. Ce qui m'amène à ma première lancée.
Les carrés rouges. Les carrés verts. C'est moi, ou ces couleurs-là ne marchent ensemble qu'à Noël? Alors sortez vos ciseaux et découpez-vous un carré brun. Brun comme «D'la marde, arrêtez donc d'en parler qu'on en finisse, c'est pas en passant à la télé ou en se promenant tout nu dans' rue qu'on négocie. Et c'est pas en demandant l'impossible en contrepartie d'un truc un peu plus possible qu'on arrive à un résultat.» Bon, l'idée s'allonge un peu, je l'avoue, mais c'est le but du petit carré de tissu, non? Dire dans un carré de couleur ce qu'on pense sans que les mots n'y soient pour de vrai.
En fait, c'est justement ce qui me dérange dans tout ça. Les mots ont un pouvoir, les images aussi. Mettez-les ensemble et BAM, vous marquez pas mal de monde. Mon point se résume à ceci: si vous n'avez rien de nouveau et de valable à dire sur un sujet, ne tentez pas d'afficher des couleurs qui, au fond, ne vous disent rien. Abstenez-vous. L'abstinence n'a peut-être pas la cote ces dernières années, n'empêche qu'elle a du bon, parfois. Surtout si elle m'évite d'entendre les mêmes commentaires bâtards, irrespectueux, infondés et faux, sortant de n'importe qui et n'importe quand 24h sur 24. Ça s'use, un sujet.

Voilà, je ne vous retiens pas plus longtemps. Laissez-moi digérer tout ça avant d'écrire autre chose. Au cas où ça ne paraissait pas assez, ce premier message me sert pas mal de test.