mardi 31 juillet 2012

Sale sous la lune

Pleine lune, pleine émotion. Je me sens à ras bord de sentiments confondus. Je pressens le présent, je me rappelle le futur et j'anticipe mon passé. Je me suis perdu quelque part en moi.
Porté par la foule, j'ai cherché à la fuir. Impossible de trop m'en écarter. Sans en être conscient, j'ai mis fin à ma longue errance sur un quai de béton. Une fois seul, je me suis retrouvé.
Sale. Voilà le bon mot. Les trente degrés de Juillet me laissent un peu collant. Mon corps a eu le temps de s'engourdir de chaleur, d'alcool et de fabulations. Sale de me tromper, sale à force de ruminer, sale de me traîner le cerveau dans la boue tous les jours, sale de m'éloigner de moi.
J'ai voulu écrire l'amour, forcer mes personnages à faire comme si leur couple allait bien, à me raconter leurs débuts comme si la suite allait être pareille. Pourtant, ils ne sont qu'une rupture, l'éternelle rupture entre ma conscience et le monde. Je divorce chaque jour de ma prison interne pour mieux m'y réfugier. La coupure entre mon imagination, mes perceptions et la réalité me donne l'impression de dériver. Mes pieds volent au-dessus de l'eau, la lune m'appelle. Assis sur une rampe, je peux lui toucher et le reste se cache loin derrière moi.
À cet instant, j'ai autant le mal de mer que le mal de l'air. Si attrayante puisse-t-elle paraître, la terre ferme a l'avantage de la stabilité. Du moins, en apparences.

vendredi 27 juillet 2012

Grain de sable

Un grain de sable dans l'univers. Cliché, certes. Le sentiment demeure tout de même présent. Se sentir inutile, insignifiant, ça ne passe pas par mille expressions toutes faites.
Je bats des ailes, agite les bras, m'époumone, renverse tout sur mon passage, détruis mon entourage et le reste, explose, implose, gratte chaque recoin pour laisser ma trace dans l'univers. Rien. Des pas de géant qui mènent à la stagnation. Les larmes remontent le courant, ma vision se brouille et se rétrécit jusqu'à ignorer tout autour. Sans réponse de l'extérieur, je me replie et m'enferme en moi-même. Un origami d'épuisement qui ne donnera pas un cygne ou un bateau.
Puis vient une gentille vieille dame. Baignant dans l'insignifiance, je me juge futile et elle ne le remarque pas. À demi aveugle, confuse, ligotée à une marchette, elle sourit de toutes ses fausses dents. Pas ce sourire forcé distribué par millions par tout le monde, ce joli sourire qui vient de loin. Son âme me dit bonjour. Mes yeux s'ouvrent, ma voix s'anime, les couleurs vibrent et fuck les détestables. Elle est enfin là. Celle qui me prouve que parmi toutes les vagues que je tente de provoquer, la plus simple marquera davantage mon existence.
Cette dame ne parle pas à une machine à faire payer. Elle ne regarde pas un figurant. Elle sait que lorsque le magasin ferme, j'existe encore et j'ai ma propre vie. Elle a envie d'asséner un coup de marchette au gros cave précédent. Elle me laisse faire mon travail, coopère, ne m'empêche pas de lui donner un petit "plus". Elle est humaine et me considère comme un être égal.
Elle repart aussi vite qu'elle est arrivée. Elle laisse un léger vide sucré. Mon coeur sourit et elle l'a vu. C'est tout ce qui compte. J'ai ma place.

vendredi 20 juillet 2012

Emportons-nous sur la folie

Pas de surprise là-dedans, je suis complètement fou.
Dire que je suis dingue confirme cependant qu'il me reste assez de sagesse d'esprit pour m'en rendre compte. Donc je ne suis pas fou, ce qui revient à me contredire en moins de trois lignes. Ça tombe bien, il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idée. Personne ne me reprendra là-dessus. Hum, alors puisque là-dessus ma position ne bougera pas, ça me reclasse parmi les dérangés. Sauf que je m'y place moi-même, preuve encore une fois d'un minimum de lucidité.
Assez pour rendre quelqu'un crackpot. Le moment idéal pour s'emporter sur le sujet. Non, puisque je viens de l'annoncer, la surprise est gâchée. En fait, voilà ce qui m'agace, peu importe ce que je dis ou pense, je peux détruire ma vision allègrement, alors même les pensées que je croyais personnelles et protégées de l'horrible monde extérieur finissent par subir les affres de la réalité, réalité qui, de toute façon, ne peut pas être totalement certaine, voilà qui me rassure un peu car si elle ne changeait pas, la réalité serait complètement folle et qui sait ce qu'elle pourrait devenir, malgré qu'à présent, les temps sont fous et regorgent de gens spéciaux, et attention je dis «spéciaux» parce que c'est une façon de dire bizarres, inconséquents, troublants, démentiels, éreintants, désagréables et dérangeants, sans toutefois les froisser, parce qu'on ne veut pas les froisser, la politesse devrait encore exister bordel, ça me fait penser à la dame qui m'a carrément poussé contre un présentoir de jeans cette semaine et qui m'a dévisagé avant de se plaindre à son amie que j'étais un jeune impoli parce que je ne me suis pas excusé à cette vielle calice qui ne sait pas vivre, ça devrait prendre un permis pour vivre parfois, je suis persuadé que beaucoup seraient recalés et devraient se cloîtrer jusqu'à ce qu'ils passent l'examen, mais au fait quel examen, je ne vois pas quoi évaluer pour ce permis, lâchez-moi avec vos questions.
Bon. Donc inutile de s'emporter, puisque je l'ai annoncé. Ça me fait penser, récemment j'ai réappris les règles pour utiliser l'impératif. Voyez-vous, j'étais écoeuré des gens qui n'ont aucune politesse. Ces demeurés conjuguent tout à l'impératif, comme si rien d'autre ne convenait à l'expression orale. «Fa-moé un grand café, ma deux laits d'dans. Là tu vas prrrendre mon cinq piasssses, tu vas me donner mon change. Tu me donnes une nepkiiin. Fa-moé un sourire. Tu vas me donner un beigne aussi. Non pas lui, tu vas prendre lui, là, lui, là, là, LUI! Tu me l'charges? J'ai dit tu vas me le donner pis là  tu vas me le charger. Souris là, c't'une farce. Madame, hey, riez. Bon ben crisse, encore une p'tite jeune effrontée, tu vas voir, toi!» Parfois c'est même pire que mon exemple du monsieur qui pue devant moi au Tim Hortons. Bon, là je me perds dans mes mots. Ça n'arriverait pas si les gens arrêtaient de se couper la parole la bouche pleine sans même ouvrir une porte ou céder le passage. Voyons voir,où en étais-je?
Ah, oui. Je suis complètement fou. Malgré que de le dire comme ça, c'est de la conscience donc plus de folie possible. Embêtant.

lundi 16 juillet 2012

Réveil-matin

N'importe quelle chanson entendue le matin a de fortes chances de vous tourner en tête toute la journée. Et même plus. Réglez votre réveil sur une station de radio débordante de mégahits suintants de pop bonbon. La journée sera plus positive avec «Lolipop, lolipop, sunshine and lolipops» qu'avec «Je suis un saule inconsolable».
Ces temps-ci, je fais un jukebox de moi-même. Je me spécialise dans les vieilleries québécoises. Je vous ai donc mentionné Ginette Reno et Marjo dans des textes précédents. Voici le tour d'Isabelle Boulay.
Je t'oublierai, je t'oublierai.
À première vue, écrire une chanson qui passera tous les jours à la radio risque davantage de faire perdurer le souvenir que de l'oublier. En fait, elle s'est probablement exorcisée de ce dit souvenir.
Je m'explique. J'ai passé des années à me couper des mes émotions. J'ai maintenu mon humeur au plus haut possible, quoi qu'il arrive. Du refoulement instantané, donc. Ça ne marche pas. Sur le coup, oui, l'oubli passe inaperçu, mais tôt ou tard, tout revient. Toujours plus fort, plus profond, plus blessant.
Alors c'en est fini. J'oublierai.
Je recommence. Rien de mieux pour oublier que de se lancer tête première dans le connu. Un connu plus savoureux, plus excitant, plus charmant et plus sexy. L'ancien rayonnait, le nouveau éclipse par sa nouveauté. Pendant que je me réconforte dans mes vieilles affaires, rien ne m'empêche de trouver mon nouveau.
Mon nouveau, il dort en moi. Mon nouveau moi moisit entre mon Moi et mon Surmoi. J'ai mal à la mâchoire juste à écrire ça. Je ne l'oublierai pas. Il entre en sommeil paradoxal. Le moment idéal pour lui laisser le contrôle, pour tester ses limites, pour flirter avec la hardiesse en sachant que je ne perdrai pas tout. Il me restera mon vieux moi, à la surface.
D'ici à une opportunité exceptionnelle, je règle mon réveil pour la provoquer. Sans appuyer sur snooze.

vendredi 6 juillet 2012

Encore du fantasme

Demandez à n'importe qui s'il a des fantasmes, il vous dira non. Personne n'ose en parler librement. Nous considérons les pensées enivrantes comme personnelles, osées, dérangeantes et irréalisables. Ne nous écartons pas de la réalité, tout n'est pas nécessairement bon à dire.
Imaginez maintenant que vous ayez trouvé partenaire pour la réalisation de ce fantasme. Au début, vous n'osez pas y croire. Vous vous regardez dans les yeux pour ensuite détourner le regard, vous riez comme des écolières et aucun n'essaie d'initier le mouvement. Soudain, un déclic. L'un avance timidement, l'autre se garroche dessus et c'est parti.
Vous le refaites. Encore une fois, puis une autre.
Des mois passent. Lorsque vous y pensez, vous rougissez de plaisir et de culpabilité. Par définition, un plaisir coupable, comme une vieille chanson de Marjo. Et comme elle le chante parfois, on n'apprivoise pas les chats sauvages. Votre fantasme ronronne un moment. Il n'attend qu'un signe de négligence pour sortir ses griffes.
Il y a maintenant des années que vous vivez votre fantasme. De moins en moins souvent, ou du moins, vous n'en tirez plus autant de satisfaction. Autrefois un accessoire à votre vie, tout gravite autour à présent. Vous ne ressentez plus ce plaisir intense des débuts. Votre petit délire peut même en être venu à vous écoeurer. Vous ne pouvez plus vous en passer. Chaque fois est une plaie.
Vous tentez de vous en passer. Tout va bien, puis une pensée s'insère dans le moment et voilà la nouvelle habitude de retour au galop. Vous vous en passez de plus en plus longtemps, mais pas moyen d'arriver à l'orgasme tant que le souvenir n'arrive pas. Ou la scène fictive, ou les images, ou les sons voulus, peu importe ce que c'est, arrêtez de m'embêter avec vos histoires tordues. J'ai assez des miennes.
Vous réalisez que vous êtes prisonnier de votre fantasme. Votre chat sauvage vous a pris en otage. Il vous domine et dicte vos gestes futurs. Vous devez lui obéir, sinon pas question de ressentir le moindre plaisir, sinon bonjour les symptômes de manque ou le pathétisme.
Vous voulez vous libérer tout seul. Il faut en moyenne huit essais avant de pouvoir espérer un résultat permanent. Vient ensuite une vague connaissance qui vous dit, du haut de sa sagesse, que les fantasmes sont faits pour meubler vos pensées et non pour être réalisés. Vous l'envoyez promener car il a raison.
Vous vous dites que jamais plus vous ne succomberez à une telle folie.
Vous avez tort.

lundi 2 juillet 2012

Un peu plus loin


Un peu plus haut, j'aimerais briller mon étoile. Le monde s'aveuglerait sous ma lueur grandissante, surpris devant tant d'immensité illuminée.
Un peu plus loin, toujours en fuite de ma propre existence dénuée d'intérêt. Jamais une étoile, toujours sujet absent. Le  néant s'abstient de commentaire et passe sa route, toujours la fuite et jamais d'arrivée.
Encore un pas, juste un pas et je pourrai m'évader. Quelques centimètres et la liberté m'emportera. Un seul autre pas, ce coup de pied aux fesses dont j'ai besoin.
Un petit pas, pas trop grand pour ne pas faire peur. Une tape dans le dos et le dossier sera envoyé, une main sur l'épaule et la destiné sera tracée.
J'aime Ginette Reno. Sa chanson ne me sort pas de la tête. Un ver d'oreille, comme dirait un ami. Pourtant, je sens que ma vie tournera sous peu. Sur le bord du précipice, mes orteils font face au vide et mes talons flottent à un mètre du sol. Seule la plante de mes pieds repose sur une rambarde. J'attends depuis si longtemps qu'on viennet me pousser, personne ne viendra.
Je dois sauter par moi-même. Je tomberai vers le haut, les pieds dans le vide, la tête dans les nuages, plus vivant que jamais. Je retrouve mon feu, je me retrouve. Je vais foncer, je le sens, mais pas ce soir, pas demain soir.
D'ici la fin de l'année, si le monde ne se termine pas d'ici là, je me serai lancé dans l'avenir. En espérant ne pas me planter en pleine face sur du béton armé de rêves brisés.