vendredi 23 novembre 2012

Quelques pensées, vol.2

Quelques extraits de pensées:

Ses lèvres m'obsèdent. Je m'en fous, je ne veux que les effleurer du bout des doigts, les sentir, les explorer pour en percer le mystère, sans considération pour leur propriétaire. Sa bouche ondule selon ses paroles, libère une voix lointaine et inaudible, découvre l'extrémité d'une dent puis la recouvre, attise mon désir. Je devine sa langue, je ne regarde que ses lèvres sèches et tout de même sensuelles.
Je ne percerai pas leur mystère sans me pencher sur la personne en entier. Ark, j'aurais dû m'en tenir aux lèvres.

Le décolleté se doit d'être invitant. S'il ne fait qu'amplifier l'apparence des signes de vieillesse, il devient triste.

- Ça va?
- Pas pire.
... Pas pire? En toute honnêteté, qu'est-ce que cette réponse peut bien vouloir dire? En soi, elle révèle une base négative, voire double négative car elle note l'absence d'un sentiment négatif. Donc «pas pire», ça ne peut pas être «moyen», «mal», «correct», «neutre», «je ne veux pas en parler», «je pète le feu».
La prochaine fois qu'on vous donne cela comme réponse, essayez ceci:
- Ça va?
- Pas pire. Toi?
- Je ne suis pas un ananas.

N'importe quelle nouvelle chanson naît maintenant avec sa panoplie de remix. Avant de vous empresser de n'écouter que les remix, demandez-vous s'ils ajoutent vraiment quelque chose de profondément nécessaire à la chanson. Souvent, on la dénature, l'allonge et la recouvre de boum boum. Le message passe-t-il mieux ainsi?

- Comment faites-vous pour être si mince?
- Et vous, comment faites-vous pour être si belle?
J'avais tant envie de répondre cela à une dame complexée. Comment en est-on venus à faire croire à des personnes splendides qu'elles sont laides parce qu'elles ont des courbes?

Parfois, je me mets à fixer mon divan et je me dis que... En fait je ne me dis rien, parfois fixer dans le vide fait du bien et ça ne cache pas toujours des remous de pensée. Il faut apprécier le silence et lorsqu'on ne l'obtient pas, mieux vaut se le créer mentalement.

En réunion, chaque information se voit appuyée d'une à dix feuilles de papier non recyclé et qui ne le sera pas par la suite. À chaque fois, je repars avec au minimum une centaine de pages inutiles, le coeur gros.
Cette semaine, en réunion, j'ai pensé distribuer mon point de vue sur le respect de l'environnement gravé sur du styromousse, juste pour ironiser. J'ai beaucoup ri intérieurement, mais je ne pense pas que mes collègues auraient compris. J'inviterai un arbre comme témoin à la place.
À ce moment-là, je vois vraiment le monde de travers.

samedi 17 novembre 2012

Le pouvoir des trois

Je nous revois tous les trois tout sourire, enfin pas vraiment parce que nous nous épuisons à être à part du reste, à se conforter dans notre personnage de groupe, notre unique façon d'être si nécessaire à notre bien-paraître, à cette désirabilité distante enviée par certains, crainte par d'autres, inutile au fond.
Je nous vois encore au centre de la grande pièce, point convergeant de tous les regards de la soirée. Deux têtes blondes reflétant la lumière tamisée du soir, une flamme entre les deux pour incendier l'imaginaire, pour embraser le désir de tous. Lorsque je paraphrase «trois têtes valent mieux qu'une», je dérive vers l'effet de meute, vers la mathématique complexe de nos complexes d'attention et de nos stratégies pour l'attirer.
Je ne nous vois jamais vraiment, je nous visualise plutôt d'après le mouvement environnant. Ma tête se remplit, se remémore les hommes aux yeux vissés à une bouche ouverte sur le monde, des garçons obnubilés  par un regard inaccessible et alternant entre les chansonniers et ses deux acolytes, des filles malades de jalousie au point de se planter devant nous pour se dandiner, se pavaner, se mettre en valeur par notre absence des champs de vision.
Tous les trois, je nous sais improbables. Je nous veux intemporels, inimitables. Je nous veux encore et encore, pour toujours emportés dans mon délire, exponentiellement désirables aux yeux de tous, inscrits dans les souvenirs des passants et nourris par l'attention qu'on nous porte.

En y repensant bien, à ce moment-là, je vois le monde de travers.

jeudi 1 novembre 2012

Absence

Peut-être la lune atténue-t-elle les marées de mon cerveau. Peut-être la vie se surcharge et me dépouille de mes temps libres. Reste qu'une telle éternité sans écrire ici ne s'excuse d'aucune façon.
Ne croyez pas que j'aie arrêté l'écriture. Mon manuscrit et mes tapuscrits ont émergé de mes boîtes. J'ai passé des semaines à me relire, des semaines à subir la torture de l'autocritique et des bévues stylistiques. Mon roman, celui dont je parle depuis des années, celui mariant la psychologie et la littérature et mon côté pas trop sain d'esprit, mon bébé de quelques centaines de pages couvertes des mêmes situations remâchées, je recrée mon bébé une nouvelle fois, la bonne je l'espère, celle qui ne me fera pas rougir de honte à la relecture, celle où ma pensée sera plus claire que dans ma tête, celle où ma voix sera intacte, où j'aurai mis tout ce dont je dispose.
J'y pense et je m'emporte. Je m'empêtre dans mes idées pour mieux trébucher en paroles. Ce roman ne verra peut-être jamais le jour, deviendra un best-seller ou un flop monumental. Ce projet me confirmera que je peux persévérer.

Cette semaine, je m'intègre dans un nouveau milieu après avoir obtenu une promotion. Je côtoie des dames d'âge respectable encore plus qu'avant et le contraste m'émeut presque, je les vois vieilles ou cramponnées à leur jeunesse et leurs idéaux, je les découvre dans leurs faiblesses, leurs forces incroyables et leurs vies éclatées, puis je me regarde avoir l'air de dix-sept ans et agir comme quarante, je me vois devenir autre, ne devenir personne en fait et j'ai peur, si peur de me perdre alors que le changement me stimule, que je vois l'opportunité de grandir enfin vers le haut, vers le mieux.

Ces derniers temps, mes rêves me hantent. Je dois les conquérir. Un changement en entraîne souvent bien d'autres. Dans le cas de mon nouveau défi, j'ai l'impression de stagner et de m'éloigner de moi, de mes buts et ambitions. Je peux encore entrevoir mon idéal, je peux encore ne pas me réveiller dans deux jours avec cent ans de plus avec la certitude de n'avoir jamais rien accompli.

Aventure, me revoici. Juste après la pause. D'ici là, j'observe des vieilles dames pour mieux me retrouver, je me cherche dans leurs histoires en espérant ne pas m'y reconnaître.
À ce moment-là, je vois le monde de travers.