vendredi 19 juillet 2013

Chronique d'un festivalier 4

Tel qu'annoncé, je ne m'éterniserai pas dans ma mini série de textes portant sur mon expérience de festivalier. Le dernier spectacle datant de déjà presque une semaine, le sujet deviendra vite périmé.
Ce qui ne se démodera pas, c'est l'agacement vécu dans certains concerts.
J'ai pu voir neuf groupes ou artistes solo en une semaine, et chaque fois j'ai rencontré une catégorie d'individu qui ne manque pas de couleur. Malheureusement, ce n'est pas la bonne teinte.
En d'autres mots, à chaque spectacle, certaines personnes n'étaient visiblement pas à la bonne place.
Pendant que Stevie Wonder se livrait à un message politique et idéologique savoureux, un petit groupe d'hurluberlus derrière moi criaient son nom, s'époumonaient en des sons discordants et se demandaient ensuite ce que le chanteur voulait dire. Ils ont donc passé un concert entier à crier pour rien par-dessus une foule qui voulait planer en souriant béatement, à détonner avec leurs t-shirts de groupes de heavy metal, à bousculer tout le monde, à traiter tous leurs voisins de cons et à tout faire sauf écouter une légende vivante (même très vivante: même son âge avancé et diverses maux physiques n'ont jamais eu raison de l'entrain et l'éveil d'esprit de Stevie Wonder).
Quatre heures durant, toutes les personnes autour les ont foudroyés du regard. Certains les ont insultés, d'autres se sont contentés de maugréer tout bas. Au final, ils ont gâché l'ambiance pour vingt personnes, en plus de passer une soirée là où ils ne pouvaient vraisemblablement pas avoir de plaisir.
À moins que ce ne soit justement leur but? Pourquoi donc vouloir affronter la foule, se tenir immobile pendant quatre heures et entendre de la musique qui ne leur plaît pas, si ce n'est que pour le simple plaisir de déranger? J'en viens à espérer qu'ils en tirent une quelconque satisfaction, question de donner un peu de sens à cette situation aussi désagréable que difficile à comprendre.
Ces spécimens ne furent pas les seuls de la semaine. Pour Ellie Goulding, Bruno Mars, MGMT, Weezer, Diamond Rings, Zaz ou Raphael Saadiq, il se trouvait toujours un petit groupe d'irréductibles gaulois. Pour les artistes occupant la première partie d'un autre, le phénomène est moins surprenant. Beaucoup préfèrent arriver tôt et endurer un groupe qu'ils n'aiment pas pour pouvoir ensuite bénéficier de meilleures places pour leurs musiciens préférés. Mais pour les gros noms? Pourquoi aller voir Bruno Mars, Weezer ou Stevie Wonder lorsqu'ils attireront assurément une foule immense, qu'ils ne nous plairont pas davantage qu'à la radio, qu'ils ne se tairont pas si quelqu'un n'aime pas ce qu'ils font, alors qu'on n'aime pas ces artistes à la base?
Ces gens doivent être soit masochistes, soit sadiques Ils s'infligent des heures de musique déplaisante (selon leurs goûts en la matière) et un bain de foule indésirable. Ils imposent aux autres leur présence dérangeante, leurs commentaires désagréables, leur odeur parfois nauséabonde, leur style trop contrasté à la foule et leur ignorance immense.
Qu'ils aiment souffrir ou faire souffrir, je ne peux pas m'empêcher de juger ces personnes qui ne sont manifestement pas au bon spectacle. Leur temps est-il si peu précieux qu'ils peuvent se permettre de le dépenser de la sorte?

Ma semaine de festivalier m'aura donné beaucoup de bons souvenirs, en plus de ces incongruités de la nature humaine qui m'auront inspiré quatre articles. Et malgré tous les accrochages avec le côté désagréable de l'humanité, je me sens très satisfait de mon expérience de spectateur.

lundi 15 juillet 2013

Chronique d'un festivalier 3

Le Festival d'Été de Québec a pris fin hier soir. Rappelez quelques artistes en urgence, je n'ai pas fini de publier des textes!

Sans blague, je suis aussi déçu que soulagé par la fin de cette série de spectacles. J'y prends très facilement goût et j'irais donc en voir tous les soirs si je le pouvais. Heureusement, ce besoin s'atténuera avec le temps et je ne devrais pas perdre la raison par manque de concert.
Et de toute façon, je suis tout de même un peu content de cette fin. Je ne crois pas que j'aurais pu baigner dans la foule une soirée de plus sans assassiner quelques personnes.
Pour la plupart, un assassinat ne constitue pas la meilleure solution. Car bien que certains devraient être éliminés pour le bien de l'humanité, beaucoup dérangent malgré eux. Ou presque.
Ceux-là mesurent six pieds ou davantage (pour les gens préférant le système métrique, plus de 1,80m) et jouissent d'une vue imperturbable sur la scène. Malheureusement pour tout le monde derrière, car ils obstruent ainsi leur champ de vision, les condamnant à adopter des poses parfois singulières pour y voir quelque chose.
Et encore, une seule grande personne ne pose pas tellement problème. À la limite, on laisse un petit espace derrière elle et tout le monde peut jouir du spectacle. Certaines nous offrent même gentiment de se déplacer de quelques centimètres ou de leur faire signe si elles nous empêchent de voir les artistes.
Le problème se présente lorsque ces grandes personnes se multiplient. «Qui se ressemble s'assemble», comme on dit. Le géant viendra donc se placer juste devant nous avec son groupe de cinq ou six géants de grande taille. Quinze personnes au moins ne verront plus rien, puisque aucun espace suffisant ne restera entre deux têtes en altitude.
Même, les géants peuvent parfois se nuire entre eux. Devant un grand, un groupe de géants l'empêchent de voir la scène, ce qui ne manquera pas de surprendre le spectateur habitué à dominer la plèbe de grandeur moyenne. Et si devant ce grand, un autre grand se trouve un peu décalé, les gens derrière doivent redoubler d'ingéniosité pour espérer entrevoir la scène furtivement de temps à autres, lorsque l'un des êtres démesurés se déplace.
Mais les gens dépassant la moyenne d'une tête environ ne sont souvent pas conscients du problème qu'ils causent. Pour eux, ils sont toujours de la même hauteur et si cela ne dérange pas ailleurs, il n'y a aucune raison de s'en faire.
Et puis viennent les grands méchants. Ceux qui arrivent juste au début du spectacle, alors que le champ de vision était parfait pendant une heure ou deux d'attente et qu'on se disait que c'était si bien comme ça. Ils fendent la foule et s'arrêtent juste devant nous, même pas dix centimètres à gauche ou à droite mais bien centré pour que tout ce que l'on puisse voir, c'est un dos un peu humide. Ils s'installent, regardent autour et même derrière eux. Ils nous lancent un regard de haut et se retournent vers la scène, conscients des jurons qui se multiplient derrière eux.
Vient le moment où moi ou l'un des dix petits des alentours lui tapote gentiment l'épaule pour lui demander de se déplacer d'un demi-pas de côté. Ce à quoi ils répondent qu'ils ont le droit d'être là comme tout le monde. Et si vous avez le malheur de leur signaler que dix personnes sont privées du spectacle et ne peuvent pas se déplacer pour trouver un meilleur angle, ils vous envoient promener.
Ajoutez à cela que ces géants désagréables poussent tout le monde pour arriver, se promener entre leur emplacement et les toilettes et le stand de bière le plus proche et aussi pour partir. Ajoutez aussi qu'ils risquent fort bien de tenir leur appareil à bout de bras, de s'étirer, de sautiller, se se pencher pour hurler à l'oreille des leurs amis, de vous asséner des coups de coude pas toujours involontaires en plein visage et même de vous reculer dessus et vous faire chuter entre vos voisins de derrière.
À chaque fois, on se dit qu'il devrait y avoir une section réservée aux gens démesurément grands et une autre pour les très petits. À chaque fois on ne pense pas que des petits, des moyens et des grands pourraient vouloir être ensemble. C'est une impasse.
D'ici à ce que quelqu'un trouve une solution aux problèmes de champ de vision, je me retrouve à avoir envie de leur couper les jambes, leur donner des coups de bat de baseball sur la tête jusqu'à ce qu'ils rapetissent ou leur grimper sur les épaules.
Et d'ici là, je dois me tenir sur le bout d'un pied en espérant me grandir assez pour y voir quelque chose et je me tiens si peu droit que je vois le monde (et le spectacle) de travers.

samedi 13 juillet 2013

Chronique d'un festivalier 2

Ma série de textes inspirés du Festival d'Été de Québec sera certes courte, mais d'autant plus forte quant à mon besoin de l'écrire.
Après les différents types de gens désagréables qui se fraient un chemin parmi la foule, je ressens le besoin d'exposer un autre genre de représentants de la connerie humaine: les extensions humaines de leur technologie.
Les quoi?
Je les décrirais surtout comme des accros aux gadgets technologiques. Ces gens effacent le peu de personnalité dont ils pourraient faire preuve pour se consacrer à la constante mise en valeur de leurs possessions électroniques. Ils additionnent les façons de les contacter (mais ne s'intéressent pas à ce qu'on veut leur dire) et multiplient sans cesse les plate-formes pour s'exprimer (bien qu'ils n'aient absolument rien à dire).
Nous les retrouvons partout. Sur Facebook, ils nous harcèlent de statuts sans intérêt, sur Instagram ils publient des photos filtrées de leur repas, sur Blogger ils écrivent (avec un maximum de fautes) des inepties sur leur voiture ou la caissière bête du Walmart. Ils exposent à grande échelle la banalité de leur vie, le manque de profondeur de leur pensée.
Et maintenant, comment les reconnaît-on pendant le Festival? Ils arrivent pile à l'heure du spectacle ou même un peu après, bousculent tout le monde et cherchent le meilleur endroit pour que leur appareil capte le spectacle. Ils passent ensuite quatre heures à tenir à bout de bras leur cellulaire, leur appareil photo, leur tablette, leur caméra microscopique, leur iPod ou n'importe quel bidule désuet dans six mois.
Non seulement obstruent-ils le champ de vision de trente personnes derrière eux, mais ils assènent des coups de coude au visage de leurs voisins. Et par-dessus tout, ils ne profitent absolument pas du concert. Obnubilés par l'idée d'enregistrer des souvenirs qu'ils ne vivent pas pour justement pouvoir les enregistrer, ils ne regardent pas la scène. Ils consultent leur écran de temps à autres pour s'assurer que la lentille est toujours dirigée vers là, mais n'applaudissent pas, ne crient pas, ne chantent pas, n'écoutent même pas. Après tout, ils pourront revoir le concert à l'infini une fois à la maison.
Faux. Non seulement l'image pixelisée a pris un poteau éloigné comme point focal et rend les artistes flous, mais le son se résume à un bourdonnement parsemé de cris stridents. Du spectacle qu'ils ont manqué en y étant, ils ne garderont aucun souvenir et devront se rabattre sur ceux des journalistes équipés pour le faire.
Et de toute façon, voulaient-ils vraiment profiter de la performance offerte? Voulaient-ils plutôt publier leurs vidéos ou leurs photos sur les réseaux sociaux pour prouver au monde entier qu'ils y étaient. Car ils se sont bien tagués sur les lieux à leur arrivée. Ils désirent montrer à tous qu'ils sont cools et qu'ils réussissent à assister à de gros évènements, à des spectacles qui parfois marquent une génération.
Et au fait, comment peuvent-ils commenter le concert alors qu'ils n'y ont pas porté attention?
Cherchent-ils à se prouver qu'ils ont une opinion en se forçant à publier à ce sujet sur les réseaux sociaux?
Veulent-ils prouver aux autres qu'ils ont leur point de vue?
Désirent-ils prouver leur existence en la rendant entièrement disponible (et même embellie ou gonflée) sur Internet?

En les regardant, je ne suis pas le seul à voir le monde de travers.

mercredi 10 juillet 2013

Chronique d'un festivalier 1

Du début à la moitié de juillet, la ville de Québec devient une énorme scène musicale envahie par une foule aussi grande que dépareillée.
Le Festival en soi ne manque jamais de me charmer. Des spectacles prometteurs, de gros noms, d'énormes noms, de plus petits noms, du beau temps et deux laisser-passer partagés avec mes parents; décidément, rien ne pourrait me gâcher cette si belle période de l'été. Ou presque.
Parmi la foule immense de la plus grande scène (celle sur les Plaines d'Abraham) et même dans les foulettes des plus petits rassemblements, il existe une catégorie singulière d'individus intrigants.
Les poussoirs.
Vous venez de marcher quarante minutes au gros soleil, en skinny et avec un sac à dos rempli de bouteilles d'eau. Vous en videz une devant le Parlement en saluant une Pauline imaginaire. Vous replongez dans ce bain humain à remous multiples, vous laissant porter par le mouvement comme une truite jusqu'à ce qu'on fouille le dit sac à dos. Après avoir assuré au préposé qu'il ne s'y trouve ni objet tranchant, ni bouteille dure, ni alcool, ni drogue, ni parapluie, ni tente, ni chaise ultrapliante, ni bébé mort, ni brique et ni arme à feu de type mitraillette, vous aboutissez sur le site. Ou plutôt, derrière le site. Vous devez penser vite, tenter de déterminer le meilleur secteur d'après la topographie du terrain et la grandeur moyenne des festivaliers déjà en place.
Et finalement, au bout d'une bonne heure de transport et d'impression de frayer, vous y êtes. Non seulement vous avez une vue imprenable sur la scène, mais c'est bien LE spot. Celui où personne autour ne fume, où la moyenne d'âge des gens autour de vous dépasse votre âge, où ça ne sent pas la pisse, où aucun géant ne risque de se planter juste devant vous. Vous avez même assez d'espace pour manger votre sandwich en paix.
Vous aimez votre emplacement et partagez cette pensée avec la personne qui vous accompagne. Erreur. Commenter votre emplacement activera le mauvais karma potentiel.
Non seulement vous vous retrouverez aussi enfumé qu'un saumon, mais un groupe de quatre grands gaillards viendra se planter un peu plus loin. Et ils bougeront tout au long du spectacle (tout comme la grande fille avec un chignon de quarante centimètres sur la tête) pour s'assurer de bien obstruer le champ de vision de tout le monde derrière eux.
Et lorsque vous envisagez de changer de place pour y voir quelque chose, c'est déjà trop tard. Les pousseux arrivent. De chaque côté de vous et même entre vos amis et vous, de longues traînées de festivaliers traverseront la foule vers la scène ou vers le fond, mais jamais sur la longueur. Vous verrez passer plus de six fois la même personne, qui à chaque fois vous pile sur les pieds. Un hurluberlu fendra la foule avec un verre de vin rouge sans couvercle dans chaque main (deux jours plus tard, vous tentez toujours de nettoyer votre pantalon beige et vous vous consolez en pensant à feu le chemisier blanc de la fille devant vous). Les gens vous pousseront sans arrêt et vous maudirez l'instant où vous croyiez encore à la perfection de votre emplacement.
Pour calmer ma frustration, j'ai catégorisé les fendeurs de foule:
- Les poussoirs se trouvent toujours au début de l'interminable file indienne qui ne manquera jamais de passer trop près de vous.
- Les pousseux suivent cet éclaireur et s'assurent de bien continuer de déranger tout le monde autour en bousculant.
- Les toucheux vous flattent le dos au passage. Certains descendent vraiment trop bas dans votre dos, d'autres vous dérangent en vous effleurant à peine. Le mouvement est toujours aussi sensuel que déplacé.
- Les appuyeurs posent leur grosse main d'une épaule à l'autre en enfonçant bien dans le sable les personnes au bord de son chemin. Certains vont même jusqu'à arriver derrière vous, vous désaxer la colonne avec leur touche, vous contourner en se servant de vous comme pivot et vous relâcher au tout dernier moment en menaçant de vous entraîner avec eux.
- Les indécis arrivent de nulle part et ne vont nulle part. Ils arrivent et repartent avec un air tout aussi perdu. Je les soupçonne d'être les fantômes d'anciens festivaliers pousseux à la recherche de leur dernier poussoir.
- Les décidés/fonceurs sont les plus désagréables. Ils pourraient piétiner une vieille dame si elle avait le malheur de se trouver sur leur chemin. Ils plaquent tout le monde à la manière des joueurs de rugby. Ils jouent des coudes et vous dévisagent au lieu de s'excuser si vous perdez pied par leur faute et terminez votre chute la face dans le décolleté de la dite vieille dame du début de l'exemple. Si ça se trouve, ils défonceront la barrière et même la scène, rendus au bout.

Et malgré tous ces types de personnes qui ne savent pas respecter les autres en se déplaçant dans une foule, vous passez une excellente soirée. Après tout, c'est le Festival d'Été de Québec.
Même en vous faisant écraser par un rouleau compresseur, vous aurez la satisfaction d'avoir vu Weezer en concert extérieur et chanté Hash Pipe, Island In The Sun ou Say It Ain't So tout haut sans qu'on ne vous regarde de travers.

jeudi 4 juillet 2013

Passion motorisée

Sur le chemin vers la résidence familiale, je me suis retrouvé dans un embouteillage monstre. La situation n'a rien de surprenant à prime abord. Sauf que je me trouvais dans un dédale de petites rues de fin de banlieue, en plein milieu d'un dimanche après-midi.
Juste à côté d'un site touristique enchanteur, sur le long de la seule rue reliant les deux villes encadrant ce même site, des milliers de fouineurs gambadaient à pas d'escargot. Les voitures (pare-chocs à pare-chocs) roulaient à un fulgurant dix km/h et s'arrêtaient sans avertir pour pointer. Et des bras qui sortent du côté passager au risque de happer une vieille dame ou une poussette, j'en ai vu beaucoup.
Sur le joli gazon tout vert, des centaines de vieux chars gisaient là, en attente de reprendre la route en plein embouteillage infernal et déplacé. Des ornières partout, des canettes de bière et des croustilles semées ça et là. Comment tenter d'en mettre plein la vue avec une vieillerie bien conservée et polluante, alors que le panorama se gâche complètement pour l'occasion. Et les conversations qu'on y entend! Rien de ce qu'on y voit ou entend n'aide à redorer le portrait.
Malgré la pollution, les mots sans valeur et le ridicule de la situation, un tel cirque peut éviter la catastrophe et causer une bonne réflexion.
Si je me permets de décrire ainsi cette foire aux antiquités roulantes, c'est que j'y suis déjà allé à deux reprises, plusieurs années auparavant. Je suivais mon père, content de l'accompagner et de pouvoir le côtoyer un peu plus, mais horriblement blasé par l'exposition. Et mon père de s'arrêter à chaque modèle dont il rêvait quarante ans plus tôt, alors qu'il n'était qu'un gamin féru de gros chars sports. Il demandait aux vieux messieurs gris, bedonnants, sales et à moitié ivres les informations de base. L'année de fabrication, le moteur, quand la peinture avait été refaite, qui étaient les propriétaires précédents. Chaque pièce ressemblait davantage à la précédente qu'à la suivante.
Cette exposition m'a jadis fait ressentir ma traditionnelle peur du vide. J'avais peur de devenir comme ces vieux messieurs (considérant que mon père est poli et curieux, donc vraiment pas comme eux) et de parler du vide dans le vide. De faire graviter ma vie et mes loisirs autour d'une machine, un vulgaire objet auquel on a attribué trop de valeur, trop d'importance. Je me suis juré de ne jamais me laisser emporter par le tourbillon d'une passion si futile et matérielle, si dénuée de sens que je risquerais d'y laisser ma personnalité et mes idées.
Des années plus tard, je me retrouve à écrire tout le temps. J'écris, je pose, je dessine et j'explore l'art. L'art, qui m'inspire des émotions, des sens nouveaux, du rêve et de nouvelles idées. L'art, qui au final tient souvent dans un objet ou une image, qui se rapproche de ces vieilles voitures auxquelles des gens consacrent leur vie. Je ne me sens pas vide, mais je ne me sens plus si loin de ces collectionneurs et trippeux de chars non plus. Surtout lorsqu'ils me bloquent le passage pour me rendre chez mes parents, là j'ai presque l'impression d'en faire partie. Mais jamais tout à fait.
La passion brille aux yeux de celui qu'elle habite au point d'éclipser celle des autres. Il ne faut toutefois pas oublier que ces autres sont tout aussi éblouis par la leur.