mercredi 10 juillet 2013

Chronique d'un festivalier 1

Du début à la moitié de juillet, la ville de Québec devient une énorme scène musicale envahie par une foule aussi grande que dépareillée.
Le Festival en soi ne manque jamais de me charmer. Des spectacles prometteurs, de gros noms, d'énormes noms, de plus petits noms, du beau temps et deux laisser-passer partagés avec mes parents; décidément, rien ne pourrait me gâcher cette si belle période de l'été. Ou presque.
Parmi la foule immense de la plus grande scène (celle sur les Plaines d'Abraham) et même dans les foulettes des plus petits rassemblements, il existe une catégorie singulière d'individus intrigants.
Les poussoirs.
Vous venez de marcher quarante minutes au gros soleil, en skinny et avec un sac à dos rempli de bouteilles d'eau. Vous en videz une devant le Parlement en saluant une Pauline imaginaire. Vous replongez dans ce bain humain à remous multiples, vous laissant porter par le mouvement comme une truite jusqu'à ce qu'on fouille le dit sac à dos. Après avoir assuré au préposé qu'il ne s'y trouve ni objet tranchant, ni bouteille dure, ni alcool, ni drogue, ni parapluie, ni tente, ni chaise ultrapliante, ni bébé mort, ni brique et ni arme à feu de type mitraillette, vous aboutissez sur le site. Ou plutôt, derrière le site. Vous devez penser vite, tenter de déterminer le meilleur secteur d'après la topographie du terrain et la grandeur moyenne des festivaliers déjà en place.
Et finalement, au bout d'une bonne heure de transport et d'impression de frayer, vous y êtes. Non seulement vous avez une vue imprenable sur la scène, mais c'est bien LE spot. Celui où personne autour ne fume, où la moyenne d'âge des gens autour de vous dépasse votre âge, où ça ne sent pas la pisse, où aucun géant ne risque de se planter juste devant vous. Vous avez même assez d'espace pour manger votre sandwich en paix.
Vous aimez votre emplacement et partagez cette pensée avec la personne qui vous accompagne. Erreur. Commenter votre emplacement activera le mauvais karma potentiel.
Non seulement vous vous retrouverez aussi enfumé qu'un saumon, mais un groupe de quatre grands gaillards viendra se planter un peu plus loin. Et ils bougeront tout au long du spectacle (tout comme la grande fille avec un chignon de quarante centimètres sur la tête) pour s'assurer de bien obstruer le champ de vision de tout le monde derrière eux.
Et lorsque vous envisagez de changer de place pour y voir quelque chose, c'est déjà trop tard. Les pousseux arrivent. De chaque côté de vous et même entre vos amis et vous, de longues traînées de festivaliers traverseront la foule vers la scène ou vers le fond, mais jamais sur la longueur. Vous verrez passer plus de six fois la même personne, qui à chaque fois vous pile sur les pieds. Un hurluberlu fendra la foule avec un verre de vin rouge sans couvercle dans chaque main (deux jours plus tard, vous tentez toujours de nettoyer votre pantalon beige et vous vous consolez en pensant à feu le chemisier blanc de la fille devant vous). Les gens vous pousseront sans arrêt et vous maudirez l'instant où vous croyiez encore à la perfection de votre emplacement.
Pour calmer ma frustration, j'ai catégorisé les fendeurs de foule:
- Les poussoirs se trouvent toujours au début de l'interminable file indienne qui ne manquera jamais de passer trop près de vous.
- Les pousseux suivent cet éclaireur et s'assurent de bien continuer de déranger tout le monde autour en bousculant.
- Les toucheux vous flattent le dos au passage. Certains descendent vraiment trop bas dans votre dos, d'autres vous dérangent en vous effleurant à peine. Le mouvement est toujours aussi sensuel que déplacé.
- Les appuyeurs posent leur grosse main d'une épaule à l'autre en enfonçant bien dans le sable les personnes au bord de son chemin. Certains vont même jusqu'à arriver derrière vous, vous désaxer la colonne avec leur touche, vous contourner en se servant de vous comme pivot et vous relâcher au tout dernier moment en menaçant de vous entraîner avec eux.
- Les indécis arrivent de nulle part et ne vont nulle part. Ils arrivent et repartent avec un air tout aussi perdu. Je les soupçonne d'être les fantômes d'anciens festivaliers pousseux à la recherche de leur dernier poussoir.
- Les décidés/fonceurs sont les plus désagréables. Ils pourraient piétiner une vieille dame si elle avait le malheur de se trouver sur leur chemin. Ils plaquent tout le monde à la manière des joueurs de rugby. Ils jouent des coudes et vous dévisagent au lieu de s'excuser si vous perdez pied par leur faute et terminez votre chute la face dans le décolleté de la dite vieille dame du début de l'exemple. Si ça se trouve, ils défonceront la barrière et même la scène, rendus au bout.

Et malgré tous ces types de personnes qui ne savent pas respecter les autres en se déplaçant dans une foule, vous passez une excellente soirée. Après tout, c'est le Festival d'Été de Québec.
Même en vous faisant écraser par un rouleau compresseur, vous aurez la satisfaction d'avoir vu Weezer en concert extérieur et chanté Hash Pipe, Island In The Sun ou Say It Ain't So tout haut sans qu'on ne vous regarde de travers.

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