samedi 13 juillet 2013

Chronique d'un festivalier 2

Ma série de textes inspirés du Festival d'Été de Québec sera certes courte, mais d'autant plus forte quant à mon besoin de l'écrire.
Après les différents types de gens désagréables qui se fraient un chemin parmi la foule, je ressens le besoin d'exposer un autre genre de représentants de la connerie humaine: les extensions humaines de leur technologie.
Les quoi?
Je les décrirais surtout comme des accros aux gadgets technologiques. Ces gens effacent le peu de personnalité dont ils pourraient faire preuve pour se consacrer à la constante mise en valeur de leurs possessions électroniques. Ils additionnent les façons de les contacter (mais ne s'intéressent pas à ce qu'on veut leur dire) et multiplient sans cesse les plate-formes pour s'exprimer (bien qu'ils n'aient absolument rien à dire).
Nous les retrouvons partout. Sur Facebook, ils nous harcèlent de statuts sans intérêt, sur Instagram ils publient des photos filtrées de leur repas, sur Blogger ils écrivent (avec un maximum de fautes) des inepties sur leur voiture ou la caissière bête du Walmart. Ils exposent à grande échelle la banalité de leur vie, le manque de profondeur de leur pensée.
Et maintenant, comment les reconnaît-on pendant le Festival? Ils arrivent pile à l'heure du spectacle ou même un peu après, bousculent tout le monde et cherchent le meilleur endroit pour que leur appareil capte le spectacle. Ils passent ensuite quatre heures à tenir à bout de bras leur cellulaire, leur appareil photo, leur tablette, leur caméra microscopique, leur iPod ou n'importe quel bidule désuet dans six mois.
Non seulement obstruent-ils le champ de vision de trente personnes derrière eux, mais ils assènent des coups de coude au visage de leurs voisins. Et par-dessus tout, ils ne profitent absolument pas du concert. Obnubilés par l'idée d'enregistrer des souvenirs qu'ils ne vivent pas pour justement pouvoir les enregistrer, ils ne regardent pas la scène. Ils consultent leur écran de temps à autres pour s'assurer que la lentille est toujours dirigée vers là, mais n'applaudissent pas, ne crient pas, ne chantent pas, n'écoutent même pas. Après tout, ils pourront revoir le concert à l'infini une fois à la maison.
Faux. Non seulement l'image pixelisée a pris un poteau éloigné comme point focal et rend les artistes flous, mais le son se résume à un bourdonnement parsemé de cris stridents. Du spectacle qu'ils ont manqué en y étant, ils ne garderont aucun souvenir et devront se rabattre sur ceux des journalistes équipés pour le faire.
Et de toute façon, voulaient-ils vraiment profiter de la performance offerte? Voulaient-ils plutôt publier leurs vidéos ou leurs photos sur les réseaux sociaux pour prouver au monde entier qu'ils y étaient. Car ils se sont bien tagués sur les lieux à leur arrivée. Ils désirent montrer à tous qu'ils sont cools et qu'ils réussissent à assister à de gros évènements, à des spectacles qui parfois marquent une génération.
Et au fait, comment peuvent-ils commenter le concert alors qu'ils n'y ont pas porté attention?
Cherchent-ils à se prouver qu'ils ont une opinion en se forçant à publier à ce sujet sur les réseaux sociaux?
Veulent-ils prouver aux autres qu'ils ont leur point de vue?
Désirent-ils prouver leur existence en la rendant entièrement disponible (et même embellie ou gonflée) sur Internet?

En les regardant, je ne suis pas le seul à voir le monde de travers.

2 commentaires:

  1. like, thumbs up, retweet, favorite this video :)

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  2. Je trouve cet article particulièrement pertinent parce qu’il révèle, avec style, un phénomène que je trouve fort intéressant : celui de la mise en scène de soi-même.

    A l’heure des réseaux sociaux où l’importance absolue est d’avoir le plus grand nombre d’amis, de « J’aime » et de click, l’individu devient le metteur en scène de sa vie. Cette véritable re-création de son quotidien engendre des dérapages parfois comiques (http://www.epicfail.com/tag/photoshop-fail/) parfois dramatique : je cherchais « Se prendre en photo soi-même » ou « Prendre un concert en photo » sur Google et je suis tombé sur un nombre impressionnant de tutoriels. J’ai aussi lu cet article que j’ai trouvé intéressant tant le phénomène de la prise de photo de nourriture s’était propagé sur internet : il indique qu’il serait l’expression d’un trouble psychologique (http://tinyurl.com/qaqv5gu).

    L’intérêt de cette représentation de soi n’est plus le partage de moments particuliers ou encore le dialogue: c’est une représentation purement narcissique: « Regardez- moi j’existe! Regardez- moi je suis le plus beau! Regardez- moi ma vie est extraordinaire! » Mais que vaut dans le fond une vie qui n’existe que sur Facebook? Je me demande si cela ne serait pas le reflet de notre société narcissique et imbue d’elle-même?

    Je cherchais la cause à ce phénomène généralisé et il me semblait que le point de départ pourrait- être la télé réalité et le star system de façon général. Des individus qui n’ont rien à dire, rien de particulier et, pour la plupart, qui ne sont que des coquilles vides sont érigés au rang d’icône (http://tinyurl.com/p53pxe8). Le seul modèle présenté à la génération adepte des réseaux sociaux est celui-ci, comment ne pas s’en inspirer?

    Tout ceci engendre des individus qui se persuadent que le simple fait d’exister les placent aux dessus du commun. Mais, si tout le monde pense de même, cela engendre pour eux le phénomène inverse : le fait de se penser exceptionnel les rends tellement communs…

    Dorian Baptiste
    http://www.dorian-baptiste.com/

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