samedi 17 novembre 2012

Le pouvoir des trois

Je nous revois tous les trois tout sourire, enfin pas vraiment parce que nous nous épuisons à être à part du reste, à se conforter dans notre personnage de groupe, notre unique façon d'être si nécessaire à notre bien-paraître, à cette désirabilité distante enviée par certains, crainte par d'autres, inutile au fond.
Je nous vois encore au centre de la grande pièce, point convergeant de tous les regards de la soirée. Deux têtes blondes reflétant la lumière tamisée du soir, une flamme entre les deux pour incendier l'imaginaire, pour embraser le désir de tous. Lorsque je paraphrase «trois têtes valent mieux qu'une», je dérive vers l'effet de meute, vers la mathématique complexe de nos complexes d'attention et de nos stratégies pour l'attirer.
Je ne nous vois jamais vraiment, je nous visualise plutôt d'après le mouvement environnant. Ma tête se remplit, se remémore les hommes aux yeux vissés à une bouche ouverte sur le monde, des garçons obnubilés  par un regard inaccessible et alternant entre les chansonniers et ses deux acolytes, des filles malades de jalousie au point de se planter devant nous pour se dandiner, se pavaner, se mettre en valeur par notre absence des champs de vision.
Tous les trois, je nous sais improbables. Je nous veux intemporels, inimitables. Je nous veux encore et encore, pour toujours emportés dans mon délire, exponentiellement désirables aux yeux de tous, inscrits dans les souvenirs des passants et nourris par l'attention qu'on nous porte.

En y repensant bien, à ce moment-là, je vois le monde de travers.

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