lundi 20 août 2012

La fenêtre

Sur Facebook, j'avais annoncé la parution prochaine d'un extrait de mon nouveau projet ici. Alors sans plus tarder, voici une scène écrite en équilibre sur un module de terrain de jeux en pleine nuit. Aucun lien avec l'histoire, mais bon, j'ai l'inspiration que je peux avoir, pas des miracles!

Mes pieds élancent d'inactivité, comme si j'avais couru le marathon. Mes larmes font rougir celles produites à Hollywood et ma déchirure béante absorbe la pièce.
Cette pièce. Vous savez, cette période où la mode architecturale suivait à la lettre la tendance déco du moment? À la saison où cette maison de malheur fut construite, on entassait de grandes fenêtres dans le coin d'une pièce pour faire moderne. Le monde extérieur me donne l'impression d'être en pénitence permanente dans ce foutu coin.
Et moi, dans le coin opposé, j'ai l'air de quoi? D'une âme en peine, style classique avec une boîte de mouchoirs.
Ne vous leurrez pas, je ne pleure pas de chagrin. Enfin si, mais davantage de soulagement. Comme quand mon petit frère a passé son premier jeu vidéo. Zelda, je crois. Peu importe. Il savourait sa victoire, mais surtout sa défaite de n'avoir pu faire durer le plaisir.
Même chose pour moi. Je pleure ma Zelda, une gâterie évanescente dont j'ai oublié de refermer le bouchon entre chaque utilisation. Je préfère continuer à l'appeler Zelda, ce nom me lacère moins les entrailles que l'autre, le vrai. Ce nom aux notes de miel. Quatre consonnes et autant de voyelles qui m'ensorcèlent et ça la fait rire comme un soleil. Je n'ose pas la désigner «Elle» non plus, ça sonne hypocrite et trop comme son vrai prénom, celui qui m'a laissé tomber une fois de trop devant le regard indécent de notre mon salon qui louche avec trois carreaux à gauche et quatre à droite.
Je bondis hors de mon Kilimanjaro de Kleenex, en bobettes. Il n'y a qu'au plus profond de mon absence de dignité que je porte ces horreurs blanches un peu jaunies avec l'élastique pété.
Les fesses secouées par chacun de mes pas d'endolori, je fonce vers la fenêtre en coin laide comme tout. Je renverse mon thé chaï sur le tapis beige dégueu et je m'en sacre. Enfin, pas tant puisque j'en parle. Mais je n'ai nullement l'intention de nettoyer ça dans un futur rapproché.
Après avoir fait trembler de tout mon poids le fauteuil en cuir brun sous l'immonde baie vitrée, je le scalpe. Son jeté poilu à motif de peau de girafe à la main, j'attaque enfin.
Le morceau de tissu mou enroulé dans le store en aluminium, je le regarde pendre et rétablir une belle symétrie de revue de décoration.
Maintenant, pleurons en paix devant ce regard bienveillant.

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