dimanche 10 juin 2012

En avant la musique

Loin de chez moi (comme si je savais vraiment où c'est, au départ), je me sens un autre. Froid, distant, faussement pressé, je fend la foule vers ce qui me retiendra loin de mes pensées. Mon iPod se charge de mes oreilles. Je fonce, féroce et infusé de musique. Quelques minutes et bam, ça se produit.
Il fait chaud, mes pieds font squick dans mes gougounes, ça pue, le soleil tape et maudit que les gens sont laids. Mais mon corps ne s'en rend pas compte, on dirait. Il envoie tout mon sang au même endroit, si vous voyez ce que je veux dire. Gêné, je vérifie que je ne marche pas avec une tente montée. Correct. Bon, ça va passer.
Eh bien non. Une heure plus tard, je pénètre dans une cabine d'essayage et je replace le tout. Les changements de vêtements me demandent de me dénuder les oreilles et de les soumettre aux choix musicaux pour hipsters. Je déteste ces remix abusifs. Et ça redescend enfin.
Dix minutes plus tard, de retour avec Gotan Project et Moby. Ça repart. Je marche. Je tente d'oublier ma raideur. Je me rends compte que je mate depuis le début. J'ignore la laideur. Les gens sont laids, mais je cherche à savoir qui m'excite le plus là-dedans quand même. Je dois être brisé ou défectueux. J'enlève mes écouteurs en entrant dans un café. Les passants redeviennent affreux, voire pires.
C'est la musique. Cette satanée musique qui m'allume plus que tout. Après la gérontophilie, la dendrophilie et la tristement célèbre scatophilie, voici la musicophilie. Faire l'amour avec des artistes du son à tous les soirs, en passant d'un à l'autre sans inhibition, c'est ben l'fun. Beaucoup plus qu'un gang bang.
Vont-ils porter plainte? Ils pourraient se sentir violés du clavier. Ginette Reno se sentirait discriminée parce que je ne baise pas sa musique (même si c'est bien bon). Et si je ne pouvais pas me retenir, que la musique au travail m'excitait au point de déraper? Si ça venait à se savoir? Qu'est-ce que mes proches vont dire? Je vais passer pour un pervers de l'electro. Mes parents auront si honte qu'ils vont me renier. Comment vais-je trouver partenaire qui tolère ça? Il doit y avoir des sites spécialisés dans ce genre de rencontres. Quel genre de dégénéré peut bien aller là-dessus? Si je tombe sur des amoureux d'Edith Piaf ou de Julie Masse, que fais-je?
La société ne m'a pas préparé à affronter ça. On m'enseigne depuis toujours que ma vie sera banale, sans anicroche, sans intérêt même. Là, j'ai un problème et il paraît dix fois pire, faut d'être informé ou du moins outillé pour y faire face.
Ce raisonnement vous est familier? Sûrement. Tout le monde passe par là, peu importe le sujet du questionnement. Personne n'est préparé à la différence. Je ne sais pas ce qu'on nous transmet vraiment comme base, mais ce n'est pas si utile que ça. Après un tel conditionnement au conformisme, la moindre dérogation aux plans initiaux vaut une crise existentielle. Et pas juste pour soi. Tout l'entourage y passe. Tout le cerveau y passe. Tout le concept d'identité aussi. Personne n'est à l'abri du lavage de cerveau non plus.
Je retourne à Radiohead.

1 commentaire:

  1. J'dois avouer que pour celle-là, j'suis pas 100% d'accord avec ta p'tite morale de la fin :P On s'en reparlera live à un moment donné.

    Et en passant si ça peut rassurer ton psychisme, j'ai AUCUN problème avec ça ;).

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