mardi 14 mai 2013

Homme cherche emploi


Aujourd'hui, j'ai tout mis en œuvre pour éviter des tâches devenues très urgentes. J'ai profité d'une explication à rendre à ma fréquentation pour étirer le sujet, pour lui livrer le fond de ma pensée et m'assurer que nous ne nous levions pas trop tôt, ou du moins pas assez tôt pour me permettre d'aller à la chasse à l'emploi encore une fois.
Jadis, j'aimais presque ce processus de distribution des curriculum vitae où je n'avais qu'à sélectionner deux ou trois établissements intéressants, leur laisser mes deux pages de résumé sur mon parcours professionnel et de formation, puis attendre les deux ou trois appels pour une entrevue, bien entendu tous venus dans les trois jours. J'allais alors à chaque rendez-vous pour transpirer l'honnêteté devant les recruteurs tout en leur fournissant les réponses qu'ils voulaient entendre. Il ne me restait plus qu'à attendre le dernier appel, celui m'indiquant les conditions de travail, l'horaire estimé et le salaire. Je n'ai toujours offert mes services qu'au plus offrant, laissant les autres trouver un candidat moins intéressant que moi.
Depuis, les choses ont vraiment changé. La plupart des employés à qui je remets mon CV me servent leur air de «je n'ai pas que ça à faire, visiblement tu ne représentes pas ce que nous recherchons alors disparais». Plusieurs roulent les yeux et me font sèchement savoir que je dois aller sur leur site Internet, répondre au test de personnalité, y télécharger mon CV ainsi qu'une lettre de présentation, résoudre l'énigme du sphinx, faire trois tours sur moi-même et attendre patiemment qu'un poste répondant à mes qualifications s'ouvre. Et lorsque je leur signale qu'une énorme affichette dans la vitrine prétend à un besoin urgent de personnel, on me dit encore plus sèchement que je dois respecter la procédure. Intérieurement, je leur réponds avec l'amabilité d'une pelletée de sable qu'ils peuvent bien se les mettre où je pense, leurs procédures compliquées. D'autres me semblent plus gentils et prennent mes deux petites pages de papier recyclé avec un joli sourire tout en me signifiant que le poste affiché a malheureusement déjà trouvé preneur, mais qu'ils me rappelleront dès qu'ils en sentiront le besoin, après tout le nouvel employé pourrait ne pas convenir et ils sentent que je ferais bien l'affaire. Ils ont aussi tendance à me saluer avec un encore plus grand sourire et souhaiter de me revoir bientôt. J'aime mieux ceux-là.
Au fond, si le processus de recherche d'emploi me décourage tant ces derniers temps, tout cela découle du fait que je ne pense pas pouvoir continuer dans ce type d'emploi trop commun.
J'ai envie d'aventure, d'incertitude, de liberté, de libre-pensée, du sentiment d'avoir une place unique, d'effectuer un travail irremplaçable et de savoir que je pourrai remplir mes tâches sans piétiner mes principes. J'ai envie d'un emploi moins typique, de sortir des sentiers battus, voire devenir mon propre patron. Je ne peux plus supporter les horaires changeants et si prévisibles à la fois, le salaire cruellement inférieur à l'apport que mon travail procure à la compagnie, les collègues interchangeables par centaines, les clients tarés, l'empêtrement dans un dédale de procédures inutiles, l'étouffement des règles bidons, la structure interminable de la hiérarchie organisationnelle, les problèmes de paie qui prennent des semaines à se régler alors que j'ai tant de paiements à effectuer, les demandes saugrenues des patrons débiles et débilitants, le sentiment de ne rien apporter au monde qui se confirme à chaque quart de travail qui de toute façon ressemble à s'y méprendre au quart précédent et au suivant.
Je me sens prêt pour un nouveau défi, pour sortir enfin de cette structure capitaliste hiérarchisée qui ne mène plus à rien car les plus grandes entreprises se plantent toutes en chœur, les petites organisations ont la cote et les travailleurs n'en peuvent plus de subir les affres d'un système désuet depuis une bonne quinzaine d'années.
Si ça se trouve, j'irai planter des arbres à l'autre bout du monde, je réviserai des scénarios de films ou je rédigerai des textes pour chaque concours littéraire existant.
D'ici là, je boude tout en cherchant l'une de ces trois opportunités.

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